Tout est faux, tout est vrai. Casqué de lunettes à réalité augmentée, chaque spectateur-acteur se glisse dans la peau d’un homme soumis à un choix cornélien. Jouant de nos sensations, de nos perceptions, Laurent Bazin invite à découvrir un autre monde où le tangible et le virtuel se mêlent pour mettre notre cerveau sans dessus, dessous. Une expérience singulière qui secoue nos émotions.
Regroupés dans un coin de la cour du théâtre de la Manufacture, une petite dizaine de spectateurs attendent qu’on les emmène dans un lieu tenu secret, un espace sombre, réduit. Collés au mur, dans une pénombre sinistre, des bruits étranges leur parviennent. Au sol, on distingu une silhouette frêle, féminine, inquiétante. Elle semble malgré le bandeau qu’elle a sur les yeux, observer une des images étranges, angoissantes que diffusent une vieille télé. Elle s’agite, tente de s’échapper. En vain, elle est, comme les cobayes consentants de cette expérience, prisonnière. Un certain malaise, une méfiance grandissante s’installe.
Conduit dans une autre salle, chacun des expérimentateurs s’installe confortablement sur un lit, avant de chausser une paire de lunettes à réalité augmentée et un casque. Plongés dans le noir, tous se laissent glisser dans la peau d’un autre, un prisonnier qui est en passe d’accepter de donner ses yeux contre un allégement de peine. Très vite, on est plongé dans sa vie. On voit par ses yeux. On découvre sa femme, les infirmières qui s’activent autour de lui, un épisode de son existence. On tente de s’interroger sur ce que l’on ferait à sa place.
Proposant de s’immerger totalement dans la tête de quelqu’un d’autre, Laurent Bazin invite à un voyage virtuel fait de sensations auditives et visuelles. Certains se laissent totalement embarquer, d’autres restent à la lisière du procédé. Si l’on ne peut que saluer le travail innovant fait par les équipes du metteur en scène, la réalisation ciselé du film qui nous est projeté dans les lunettes, l’investissement et l’engagement de tous, les limites de la technique ne permettent pas de se laisser totalement emporter dans les tourments de cet homme, dont on ne se sait que trop peu de chose pour en comprendre le sacrifice, et de ressentir émotions et tourments. Malgré tout, l’expérience est à tenter, le projet à soutenir.
Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Nancy
Les falaises de V. de Laurent Bazin
Spectacle de réalité augmentée dans le cadre du festival Ring
Théâtre de la Manufacture
10 Rue Baron Louis
54000 Nancy
durée entre 45 min
Mise en scène de Laurent Bazin
Écrit par Laurent Bazin avec la collaboration de Line Bruceña
Création sonore spatialisée de Diego Losa
Avec Céline Clergé, Damien Houssier, Fabien Joubert, Mona El Yafi, Nicolas Novak, Chloé Sourbet & Céline Toutain
Production : Gengiskhan Production
Coproduction Théâtre Paul Éluard de Choisy-le-Roi, Scène conventionnée pour la diversité linguistique – Arcadi Biennale NEMO
Avec le soutien de l’Ina GRM, du DICRéAM, du CNC – Fonds Nouveaux Médias et Nouvelles technologies en production
Diffusion Gengiskhan Production en partenariat avec Cie Mesden
Crédit photos © Gengis Khan Production et © Daniele Molajoli