Couv_CALAMITY-BILLY_Lacornerie_DSCF3919©Bruno-AmsellemDivergence-OK_@loeildoliv

Calamity / Billy, le western opératique et mélancolique d’un Far-West fantasmé

Au théâtre de la Croix-Rousse, Jean Lacornerie fait se rencontre dans un diptyque singulier Calamity Jane et Billy The Kid.

Deux voix, celle d’une soprano et celle d’un jazzman, se mêlent et s’harmonisent avec une virtuosité troublante, bouleversante pour évoquer en filigrane deux figures du Far-West, Calamity Jane et Billy the Kid. Chacune d’entre elles se livre en une triste et poétique complainte sur le spleen lancinant qui règne au cœur des plaines sableuses de l’Ouest américain. Un bel et étrange objet théâtral.

Sur un plateau sombre, au-dessous d’une immense palissade de bois clair imaginée par Marc Lainé et Stephan Zimmerli, une ombre apparaît toute vêtue de noire. Le regard dans le vague, Calamity Jane (émouvante Claron McFadden) scrute l’horizon. Elle semble chercher une présence, une silhouette, celle de sa fille Janey, qu’elle a confiée depuis bien longtemps aux bons soins de Daddy Jim. Faute de pouvoir la voir, l’embrasser, elle lui écrit de belles lettres, pleine d’amour, de tendresse et des petites joies qui emplissent son quotidien. Très vite, pourtant, on en perd le sens tant on se laisse subjuguer par la voix magnétique et hypnotique de soprano de la chanteuse, bercer par cette mélancolique litanie. Passant d’aigus transcendants à des graves mélodiques envoûtants, elle nous embarque en compagnie de trois musiciens dans un Far-West singulier, étrange, loin de nos images d’Epinal d’enfants.

CALAMITY-BILLY_DSCF3625_Lacornerie_©Bruno-AmsellemDivergence-OK_@loeildoliv

Au bout d’une demi-heure de spectacle, Calamity Jane disparaît dans l’obscurité pour laisser place à une autre figure de légende de l’Ouest américain, Billy the Kid (épatant Bertrand Belin) . Loin du fougueux bagarreur, c’est un cowboy vieillissant, presque apaisé, qui fait son entrée et revient sur ses jeunes années, ses rencontres qui vont imperceptiblement l’emporter vers sa funeste destinée.

Gommant la violence des contrées arides, battues par les vents de sable de cette Amérique de l’Ouest, Jean Lacornerie s’appuie sur les textes de Michael Ondaatje pour donner vie à ce célèbre bandit. Encore une fois dans cette seconde partie, les écrits, les mots, qui s’égrènent, ne sont que prétextes. Tout ici n’est que musique, mélodie, rengaines d’autant qu’elles sont signées par le compositeur Gavin Bryars, connu pour ses performances acoustiques extraordinaires, particulières. Mêlant ingénieusement jazz, blues, et quelques notes classique, il nous entraîne dans un voyage des sens, une balade au cœur d’harmonies tonales et sonores.

est Billy the kid © Bruno Amsellem / Divergence

Les amoureux de western, d’aventures de cow-boys et d’Indiens, en seront pour leurs frais tant l’ambiance du Far-West n’est qu’évoquée que par touches délicates, discrètes. Pour se laisser porter par la beauté de ce spectacle hors norme, il faut accepter de lâcher prise, oublier le contexte et se laisser envoûter par un duo de voix extraordinaires, des arias ensorcelants, des accords musicaux bouleversants.

Loin d’un spectacle classique porté par une dramaturgie précise, Calamity / Billy est avant tout une expérience sensitive, une aventure qui stimule magnifique notre ouïe. Certes notre concentration a parfois du mal à se fixer, mais peu importe, tant on se laisse ensorceler par cette ouate cotonneuse et musicale. Un moment hors du temps à savourer sans réfléchir tout simplement.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Lyon


AFF_CALAMITY-BILLY__Lacornerie__@loeildoliv

Calamity / Billy, un diptyque du paradis perdu sur une idée de Jean Lacornerie et de Gérard Lecointe
Théâtre de la Croix-Rousse
Place Joannes Ambre
69004 Lyon
Du mardi 6 mars au jeudi 8 mars 2018 à 20h

Théâtre de La Renaissance
7 Rue Orsel
69600 Oullins
Vendredi 9 et samedi 10 mars 2018 à 20H
Durée 1h45

tournée :
Chambéry – Espace Malraux (théâtre Dullin) 13 et 14 mars 2018
Belfort, Le Granit : 16 mars 2018
Bourges, MCB° (Auditorium): 20 et 21 mars 2018
Échirolles, La Rampe : 23 mars 2018
Andrézieux – Bouthéon, Théâtre du Parc : 24 mars 2018
Meyrin (Genève), Forum Meyrin : 27 mars 2018
Saint Quentin en Yvelines, Théâtre : 30 mars 2018
Bruges, Concertgebouw : 28 avril 2018
Rotterdam, Operadagen : 25 mai 2018
Budapest, Armel Opera Festival :5 juillet 2018

1ère partie
Calamity Jane, lettres à sa fille texte attribué à Jean McCormick
musique Ben Johnston
2ème partie
Billy the Kid, œuvres complètes de Michael Ondaatje
musique de Gavin Bryars
direction musicale : Gérard Lecointe
mise en scène de Jean Lacornerie
scénographie de Marc Lainé et Stephan Zimmerli
chorégraphie de Raphaël Cottin
lumières de David Debrinay
avec Claron McFadden , Bertrand Belin ,
Les Percussions Claviers de Lyon : Sylvie Aubelle, Raphaël Aggery , Jérémy Daillet , Gilles Dumoulin , Gérard Lecointe et Lyonel Schmitviolon
production: Théâtre de la Croix-Rousse – Lyon, Théâtre de La Renaissance – Oullins Lyon-Meétropole, Muziektheater Transparant – Anvers | coproduction: Percussions Claviers de Lyon, MCB° Maison de la Culture de Bourges – SN, Concertgebouw Bruges, Operadagen – Rotterdam, Mahogany Opera Group – UK

Crédit photos © Bruno Amsellem / Divergence

1 Comment

  1. Marrant comme la perception peut changer…J’ai trouvé que c’était terriblement artificiel, le texte est intéressant, mais comme on a du mal a accrocher à la partie musicale et son manque de fil conducteur, on perds sa puissance. Claron MC Fadden joue bien, mais sa voix qui doit passer du grave au très aigu devient agressive dans les aigus et du coup la partition encore est à blamer. Les percussions sont très bien pour le coup.. Bertrand Belin est bien mais la partition encore aurait pu plus tirer partie de sa voix sans le forcer a faire 2 octaves dans la meme phrase.. Le décor est sympa et les peintures ‘live’ sont tres belles et bien amenées. Au final, assez décu que la partie lyrique de la partition aie voulu se la jouer contemporaine. Sans faire comédie musicale, donner un fil conducteur, limiter les écarts de grave/aigu bref, donner de la sympathie à la musique aurait beaucoup bénéficié a l’ensemble et permis au public d’adhérer au projet…

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