Des corps se cherchent, s’agrippent et se déchirent. Des visions cannibales, des gestes saccadés, robotiques, des mouvements simiesques, composent la partition singulière de cette pièce chorégraphique énergique, créée par l’Hollandais Jefta van Dinther pour le très suédois Cullberg Ballet. Bien que séduit, hypnotisé par la grammaire très imagée de Protagonist, la redondance des pas lasse un brin.
Une voix s’élève dans l’obscurité, elle s’interroge sur le sens de la vie, sur la place de l’être humain, sur sa capacité à prendre les choses en mains pour changer le monde de demain. Une musique techno envahit l’espace et nous enveloppe de ses beats prégnants. Une lumière rouge éclaire le tapis couleur sang qui recouvre le sol, renforçant l’impression étrange d’être dans un rêve ou un cauchemar éveillé. Des ombres envahissent le plateau. Démarches saccadées, robotiques, les danseurs en transe nous invitent à un étrange rituel.
Les groupes se font, se défont. Les êtres s’attirent sans distinction de sexe. Les corps se mêlent, s’étreignent, se brutalisent. L’orgie devient de plus en plus viscérale. Les gestes tranchés, les mouvements technoïdes, hypnotisent. Tribu cannibale, zombies en manque de chair fraîche, les images fantasmées dépassent la réalité. Cette impression singulière d’assister à quelques choses de l’ordre de l’illusoire est renforcée par la voix grave envoûtante d’Elias qui n’est pas sans rappeler la bande originale de la série Tru Blood, Bad things interprétée par Jace Everett.
Lentement, tout se calme, les corps s’apaisent. La musique devient plus lancinante. Changeant d’état sauvage, les danseurs semblent chercher au plus profond de leur être les origines de l’homme. Se balançant d’une jambe sur l’autre, les bras ballants, ils semblent remonter l’arbre phylogénétique pour se rapprocher de nos ancêtres singes. Se débarrassant de leurs oripeaux, ils remontent le temps, ne font plus qu’un avec leur double simiesque.
Pour cette deuxième création pour le Cullberg Ballet, Jefta van Dinther plonge dans les rites ancestraux de certaines tribus indiennes pour mieux réinventer une écriture chorégraphique contemporaine débarrassée de toutes idées préconçues, reçues, de toutes empreintes. Malheureusement, à force d’itération et de pas, de mouvements répétés, l’expérience finit par tourner court. Ne reste au final que l’expérience fugace d’avoir assisté à un ballet singulier, différent de ce que l’on voit d’habitude. Ce n’est déjà pas si mal.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Protagonist de Jefta van Dinther
Théâtre national de danse de Chaillot – Salle Firmin Gémier
1 place du Trocadéro
75016 Paris
jusqu’au 21 janvier 2018
durée 1h00
chorégraphie de Jefta van Dinther assisté de Thiago Granato & en collaboration avec les danseurs maître de ballet Thomas Zamolo
musique, son de David Kiers
chant : Elias
lumières de Minna Tiikkainen
scénographie de Simka
assistanat à la chorégraphie Thiago Granato
avec 14 danseurs
production ballet Cullberg.
Crédit photos © Urban Jörén