Les répliques bien senties fusent, les situations cocasses s’enchaînent sans répit pour nos zygomatiques. Mais derrière les rires, l’émotion nous saisit. Avec finesse et espièglerie, Jean Franco esquisse le portrait en clair-obscur de deux femmes, l’une engagée, l’autre conservatrice, dans l’Amérique des années 60 déchirée par la guerre du Viêtnam. Une comédie savoureuse à déguster sans tarder.
Dans une cuisine toute équipée, mobilier « sixties » dernier cri, deux femmes, la belle Mia (éblouissante Marie-Julie Baup) et sa voisine Susan (drolatique Lysiane Meis), confrontent leur solitude. Mères d’enfants en bas âge, elles attendent en papotant, babillant, le retour de leurs maris partis au Viêtnam faire la guerre. L’une est une ancienne passionaria repentie, féministe fichée par le FBI pour ses sit-in, ses actions en tant qu’opposante aux actions du gouvernement. L’autre une conservatrice patentée, femme au foyer jusqu’au bout des ongles. Malgré leurs différences, une vraie complicité unit ces deux femmes. L’arrivée d’Isaac, un déserteur (épatant et pataud Benoit Moret), ex petit-ami de Mia, va perturber leur routine, ouvrir leur conscience et changer leur regard sur le monde, la vie.
Avec beaucoup d’humour, Jean Franco s’empare de la vie monotone de ces épouses esseulées, ces femmes de militaires, de ces « desesperate housewives » au cœur d’une Amérique de cette fin des années 1960, déchirée par un conflit lointain, dont la justification semble de plus en plus incompréhensible. Brocardant avec malice les grands principes, les positions tranchées, il signe, avec son complice Jean-Yves Roan, une comédie douce-amère exquise, drôle et touchante où s’enchaînent à un rythme effréné bons mots et situations cocasses.
S’appuyant sur les personnalités contrastées et le talent indéniable de ses deux comédiennes, José Paul s’amuse dans une mise en scène particulièrement soignée et ciselée où chaque réplique fait mouche déclenchant l’hilarité d’une salle conquise. Le charme de Marie-Julie Baup, sa présence lumineuse, la gouaille de Lysiane Meis, son franc-parler, et la maladresse séductrice de Benoit Morel, son sourire ravageur, font le reste. Papa va bientôt rentrer est une des très belles surprises de la rentrée. Une comédie captivante et drolatique à ne pas rater.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Papa va bientôt rentrer de Jean Franco avec la collaboration de Jean-Yves Roan
Théâtre de Paris –Salle Réjane
15 Rue Blanche
75009 Paris
A partir du 12 janvier 2018
du mardi au samedi à 21h00, séances supplémentaires le samedi à 17h00 et le dimanche à 15h00
Mise en scène de José Paul
Avec Marie-Julie Baup, Lysiane Meis & Benoit Moret
Décor d’Edouard Laug
Costumes de Juliette Chanaud
Crédit photos © Bernard Richebé