Dix-sept étudiants de dernière année du conservatoire national d’art dramatique de Paris envahissent un espace vide. Ils fourmillent, grouillent, s’approprient la scène. Sous la direction minutieuse, élégante, de Clément Hervieu-Léger, ils redonnent vie à la troupe de Molière en s’interrogeant sur leur art et leur capacité à moduler leur jeu, à interpréter différents rôles. Une leçon de théâtre captivante bien qu’un brin trop didactique.
Loin des ors d’un théâtre classique, c’est dans le gymnase du lycée Saint-Joseph que nous donne rendez-vous les élèves de dernière année du conservatoire national d’art dramatique de Paris pour assister à un étonnant spectacle où se mêle adroitement passé et présent. Des répétitions de l’École des femmes à la vie de troupe, en passant par une autocritique du travail de comédiens et d’auteurs,, à une représentation tronquée de la Jalousie du barbouillé, ils nous guident au cœur de la conception théâtrale, nous entraînent au plus près du processus créatif.
Dans cet espace vide, qui a tout de la page blanche, tout est à réinventer, à recommencer. Par petits groupes, les jeunes comédiens envahissent cette scène immense et dépouillée. C’est d’abord, une jeune femme qui fait son entrée. Elle erre alors qu’une autre vient effleurer de ses doigts un piano, abandonné négligemment côté jardin. Elles sont rejointes par un homme bourru, un peu plus âgé. Lui est Arnolphe de l’Ecole des femmes. Inlassablement, ils répètent cette première scène mythique de la pièce de Molière où l’on apprend la triste nouvelle « le petit chat est mort ». Face au jeu hésitant et à ce que dénonce le texte, une jeune femme du public râle, s’énerve, s’exaspère et rejoint le plateau. Évidemment, elle fait partie de la troupe et c’est un nouveau pan de l’œuvre du dramaturge qui nous est dévoilé, un autre regard sur le théâtre que les jeunes comédiens explorent.
Ainsi de suite, s’amusant des codes et des règles, Clément Hervieu-Léger nous invite à une visite guidée des méandres et des mécanismes qui constituent l’art dramatique. Nous entraînant des coulisses aux plateaux, il questionne l’art vivant et l’implication de chacun dans cet édifice fragile et puissant qu’est le théâtre. Si parfois, le jeu tourne à la démonstration de force, si quelques longueurs viennent alourdir le propos, on se laisse embarquer par la fougue de ces comédiens en herbe, dont le talent est déjà bien affirmé. Jouant sur plusieurs registres, forçant le trait parfois, ils nous plongent dans la vie trépidante d’une troupe en proie au doute, à la censure et à l’espérance.
Imbriquant les différents niveaux de représentation par une mise en abyme de l’art dramatique, Clément Hervieu-Léger confronte sa vision du théâtre à celle des jeunes étudiants qu’il met en scène. Avec sensibilité et délicatesse, qui sont sa marque de fabrique, il signe un spectacle riche, un peu fouillis, mais terriblement passionnant
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Impromptu 1663 d’après les œuvres de Molière
Festival d’Avignon
Gymnase du Lycée Saint-Joseph
jusqu’au 19 juillet 2017
durée 2h00
Mise en scène de Clément Hervieu-Léger
Collaboration artistique : Clémence Boué
Musique de Pascal Sangla
Scénographie de Camille Duchemin
Lumière de Dominique Nocereau
Son d’Yann Galerne
Costumes de Valérie Montagu
Avec James Borniche, Margaux Chatelier, Jean Chevalier, Manon Chircen, Marceau Deschamps-Ségura, Charlie Fabert, Maïa Foucault, Louise Guillaume, Florent Hu, Hugues Jourdain, Pia Lagrange, Joseph Menez, Asja Nadjar, Isis Ravel, Morgane Real, Roxanne Roux, Alexiane Torres
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage
