Loin du cadre de Bussang, où il a été créé, le Songe d’une nuit d’été version Guy Pierre Couleau perd de son éclat, de son charme. Si la pièce onirique, un brin burlesque, de Shakespeare permet toutes les facéties, dont l’incursion de comédiens amateurs dans la troupe, encore, faut-il s’en saisir. Trop sage, cette énième adaptation, bien que de belle facture, manque d’audace, de souffle. Dommage !
Loin des sempiternels et encombrants décors qu’engendre généralement le montage d’une telle pièce, ici, le plateau est vide laissant à chacun libre cours à son imagination. Des palais athéniens où Thésée prépare ses épousailles avec la belle Hyppolite, des sous-bois enchanteurs où règnent en maître Titania et Obéron, rien n’est explicitement montré, tout est suggéré. Quelques faisceaux lasers, quelques plastiques aux différentes nuances de vert, tombés des cintres, suffiront à évoquer les différents lieux où amants, amours contrariées, se cherchent, se repoussent et se retrouvent.
Alors que le mariage ducal se prépare, la belle Hermia (admirable Jessica Vedel) tient tête à son père et refuse d’épouser le trop coureur Démitrius (cynique Adrien Michaux), qui a déjà séduit sa meilleure amie Hélène (épatante Clémentine Verdier). Préférant la douceur des bras du charmant Lysandre (ténébreux Sébastien Amblard), elle s’apprête à subir le sort funeste que les dures lois d’Athènes lui réservent. Désespérés, les deux amants décident de fuir au plus vite pour convoler en justes noces, loin de la trop rigide ville. Leurs pas s’égareront dans la forêt avoisinante où les facétieuses créatures de la nuit qui la hantent tourneront à la farce leurs amours.
Conte fantastique mêlant habillement onirisme et fable burlesque, Le songe d’une nuit d’été de William Shakespeare est propice à toutes les interprétations. S’inspirant du cadre de Bussang, où il a créé la pièce, Guy Pierre Couleau signe une mise en scène où la nature environnante est omniprésente, parti pris fort intéressant, mais qui perd de son sens malheureusement dès qu’on s’éloigne des forêts vosgiennes. Heureusement, bien que corseté par un texte, qu’il a gardé dans sa longue intégralité, il casse les codes élisabéthains en offrant aux personnages féminins une densité, une profondeur fort singulière, fort intéressante. Loin des jeunes filles candides, Hermia et Hélène se rebellent. Insoumises, espiègles, elles donnent à leurs mâles amoureux du joli et piquant fil à retordre.
Séduit par la proposition qui mêle habilement nature et fantasmagorie, charmé par le jeu acidulé de Jessica Vedel et de Clémentine Verdier, on reste toutefois sur notre faim. Bien que joliment dépoussiéré, il manque à l’ensemble un, je ne sais quoi de fantaisie, de folie. C’est d’autant plus flagrant face à la version éblouissante et décalée de Guillaume Vincent qui vient de se jouer aux Ateliers Berthier. Ne boudons pas pour autant notre plaisir et laissons nous ensorceler par les farces d’un Puck fort déluré, interprété par l’étonnant Rainer Sievert. Une fantaisie douce et agréable sans être révolutionnaire…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare
Manufacture des Œillets
1, place Pierre Gosnat
94200 Ivry-sur-Seine
Jusqu’au 23 mai 2017
Durée 3h avec entracte
mise en scène de Guy Pierre Couleau assisté de Carolina Pecheny
traduction de Françoise Morvan et André Markowicz aux Editions Les Solitaires Intempestifs
scénographie d’ Elissa Bier
costumes de Laurianne Scimemi assistée de Blandine Gustin
lumières de Laurent Schneegans
musiques originales de Philippe Miller
masques et maquillage de Kuno Schlegelmilch assisté de Camille Penager
régie générale d’ Alexandra Guigui
images vidéo d’ André Muller
avec Sébastien Amblard, Clément Bertonneau, Pierre-Alain Chapuis, François Kergourlay, Marlène Le Goff, Anne Le Guernec , José Mantilla Camacho, Adrien Michaux , Ruby Minard, Martin Nikonoff, Carolina Pecheny, Achille Sauloup, Romaric Seguin, Rainer Sievert , Jessica Vedel et Clémentine Verdier
Crédit photos © Laurent Schneegans