Il était une fois une jeune et jolie princesse dont la vie avait tout du conte de fées, manque de chance le réel la rattrape. Et là, c’est le drame. En détournant habilement l’histoire de Peau d’âne, fable « perraultienne » sur l’inceste, Sarah Fuentes signe une pièce féministe drolatique, un brin revancharde, une critique piquante de nos sociétés modernes où le sexe prévaut sur le genre.
Devant un rideau cachant la scène, deux étranges et angoissants individus se tiennent la main, immobiles. D’un côté, une femme en robe de mariée porte un masque d’âne. De l’autre, un homme vêtu uniquement d’une veste de costume et d’un slip est affublé d’un masque de cochon. Cet étonnant préambule campe l’histoire qui va nous être relatée. Loin du conte de Perrault qui utilise l’inceste comme sujet de dramaturgie, Fucking happy end s’attaque à tous les codes et les clichés des fables de notre enfance qui ont ancré dans nos inconscients et dans nos sociétés contemporaines que la femme n’est forcément que mère, putain ou objet de désir, de convoitise, et l’homme un pervers en puissance, une machine à fantasmes ou un idiot courageux.
Brisant le miroir des tabous, Sarah Fuentes nous emmène dans une version burlesque et déjantée de Peau d’âne. Si l’on reconnaît en filigrane la trame du conte, tous les à-côtés, les digressions, nous entraînent dans une fable contemporaine entre fiction et réalité. La beauté de ces histoires féeriques qui ont bercé des générations d’enfants et qui veut qu’après le drame les méchants soient punis, les gentils heureux, n’est finalement qu’illusion. En gardant la forme du conte, mais en en changeant le fond, la jeune auteure et metteuse en scène met à bas les clichés sexistes, misogyne et signe un manifeste féministe, hilarant, un brin trash et totalement loufoque.
Malgré quelques faiblesses scénaristiques, quelles longueurs, quelles scènes superflues, ce Fucking happy end séduit et charme par son côté rock disjoncté et par la fraîcheur de la troupe. Sarah Fuentes est inénarrable en mégère hystérique et dominatrice refusant de mourir. Jan Oliver Schroeder est flamboyant en marraine « travelotte » complétement à côté de la plaque. Ludovic Chasseuil est captivant en beau gosse de service un peu tarte et père pervers. Enfin, Maud Imbert est lumineuse en Peau d’âne insurgée, mal dans sa peau. Elle nous fascine littéralement dans un magnifique costume, signé Sho Konishi, en incarnant la mort, sorte de lady anglaise à l’humour ravageur.
N’hésitez pas à découvrir cet objet théâtral non identifié qui abolit les cases, les préjugés, et remet le genre au cœur de l’humanité et envoie valser les stéréotypes et les clichés. Un spectacle hors norme, pétillant et burlesque à savourer au plus vite.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Fucking happy end – cabaret insurgé de Sarah Fuentes
Les déchargeurs
3, rue des déchargeurs
75001 Paris
jusqu’au 29 avr 2017
du jeudi au samedi 21h30
Durée : 1h30
Texte de Sarah Fuentes
Mise en scène de Sarah Fuentes et de Jan Oliver Schroeder
Avec Ludovic Chasseuil, Maud Imbert, Sarah Fuentes et Jan Oliver Schroeder
Musique de Pili Loop
Décors de Carolina Spielmann et de Renée Guirao
Costumes de Sho Konishi
Crédit photos © Frédérique Toulet