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F(l)ammes, une ode aux femmes singulières et plurielles

avec F(l)ammes, Ahmed Madani donne la voix aux femmes des banlieues.

Elles s’appellent Ludivine, Anissa ou Haby. Elles sont nées en périphérie urbaine, dans un quartier de banlieue. Etiquetées par une société normative, étroite d’esprit, elles refusent cet état de fait, se rebellent contre l’ordre établi. Femmes avant tout, différentes, singulières, elles se libèrent de tout carcan, déchirent les non-dits d’un long cri salvateur, vibrant, terriblement humain. Percutant !

Un immense écran servant de fond de scène diffuse en noir et blanc une écume flottante, ballotée par le sac et le ressac d’une mer légèrement agitée. Rompant le silence, un flot de paroles à plusieurs voix raconte la banlieue, ses clichés, ses préjugés et ses réalités. Dans la pénombre, des silhouettes féminines traversent le plateau. Elles ont toutes leurs particularités. Certaines sont longilignes, d’autres plus trapues. Certaines arborent une robe, d’autres un pantalon. Certaines ont les cheveux lâchés, lisses ou bouclés, d’autres sont voilées ou portent un chignon. A chaque passage, chacune apporte un élément du décor : des chaises, un micro, avant de disparaître à nouveau dans les coulisses.

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Dans un halo lumineux, une jeune femme fait son entrée. Longiligne, gracieuse, Ludivine se présente. Elle est de Boulogne-Billancourt. Elle parle magnifiquement la langue de Molière. Bluffante, elle pourrait rabattre le caquet de plus d’un tant elle s’exprime avec pureté et élégance. Depuis toute petite, elle hante avec son père les salles de ciné, d’expositions et de théâtre. Très vite, elle s’éloigne de ses potes de cité avec qui elle a grandi, pour d’autres amitiés plus élitistes, plus bourgeoises. Mais dans son cœur, dans son âme rien n’a changé, elle est cette jeune femme qui refuse les diktats, qui se nourrit au sein des cultures du monde.

Puis, c’est Anissa, une jeune femme voilée de 28 ans qui vient la remplacer au micro. Mère de cinq enfants, elle raconte son enfance, sa scolarité dans un école primaire de riches où elle fait le cheval pour être mieux acceptée par ses petits camarades huppés. De ces petites humiliations ordinaires, elle en fera une force qu’elle transmet à sa progéniture. Elle parle de sa vie de femme au foyer, de son mari, de l’égalité qu’elle finit par lui imposer dans les tâches ménagères. Ainsi de suite, les dix jeunes femmes vont prendre la parole, dévoiler leur histoire, leurs blessures, leur force. En quête d’identité et de reconnaissance, elles vont par touches, avec douceur ou poigne, mettre à bas les clichés, en finir avec les préjugés sur les femmes, sur les enfants issus des cités.

Rebelles, riches de leur expérience, de leurs histoires familiales, elles libèrent la parole, lèvent le voile sur leurs drames intimes, sur leurs joies intenses. Telles des flammes incandescentes, elles vibrent, rayonnent. S’appuyant sur leurs cultures, leurs traditions, leurs religions, elles dressent une photographie lucide, sans fard de leur quotidien de femme. Entrecoupant de petites scènes dansées, de fausses interventions du public, les confessions de ces jeunes femmes, Ahmed Madani casse le rythme et évite le risque d’ennui.

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En s’appuyant sur les histoires de ces femmes cabossées par la vie, de ces jeunes filles dévorant la vie à pleines dents, de ces rageuses refusant les étiquettes, le dramaturge signe un vibrant manifeste à la différence, une bouleversante ode aux femmes. Coup de poing théâtral, cette pièce écrite au tréteau nous force à la réflexion, nous oblige à un regard critique sur notre société. C’est d’autant plus poignant, et prégnant à l’aube d’élection majeure pour notre pays.

Bien que Tout ne soit pas parfait, on est emballé par ces F(l)ammes étincelantes, ces comédiennes amatrices, énergiques et touchantes. Certaines imperfections, des jeux moins solides, des histoires moins convaincantes, font par moment dérailler la belle mécanique. Soyons honnête, ce n’est que détails. Laissez-vous séduire par ces femmes, ces jeunes filles exaltées et terriblement humaines.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


F(l)ammes d’ Ahmed Madani
reprise Théâtre des quartiers d’Ivry – La manufacture des Oeillets
1, place Pierre Gosnat
94200 Ivry-sur-Seine
jusqu’au 15 octobre 2018
les lundis, mardis et vendredis à 20h00, les jeudis à 19h00, les samedis à 18h00 et les dimanches à 16h00
durée 1h40 environ

mise en scène d’Ahmed Madani assisté de Karima El Kharraze
avec Anissa Aou, Ludivine Bah, Chirine Boussaha, Laurène Dulymbois, Dana Fiaque, Yasmina Ghemzi, Maurine Ilahiri, d’Anissa Kaki, Haby N’Diaye et Inès Zahoré
Regard extérieur Mohamed El Khatib
Création vidéo de Nicolas Clauss
Création lumières et régie générale de Damien Klein
Création sonore de Christophe Séchet
Régie son Jérémy Gravier et Samuel Sérandour
Costumes de Pascale Barré et d’Ahmed Madani
Coaching vocal Dominique Magloire et Roland Chammougom
Chorégraphie de Salia Sanou

Crédit Photos © François Louis Athénas

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