Les plaines sauvages aux teintes jaunes, roses et ocres, s’étendent à l’infini, superbes. Les reliefs érodés par les éléments dessinent de serpentines et étroites gorges. Dans ce décor de rêve, le teint hâlé par le soleil brûlant, Theeb, dernier fils d’un Cheik respecté, choyé par ses frères, va, à son corps défendant, découvrir l’aridité, l’âpreté la rugosité de ce désert si familier. En suivant ce parcours initiatique et féroce, Naji Abu Nowar nous plonge au cœur d’us et coutumes ancestraux d’un peuple fier et libre. Par trop laconique, le récit de cette innocence arrachée perd en éclat ce qu’elle gagne en pureté. Un moment cinématographique singulier, intense.
Le soleil inonde la plaine aride. Un enfant de 10 ans, portant le thoab, tenue traditionnelle des bédouins, s’amuse dans les dunes. C’est le jeune Theeb (touchant et agaçant Jacir Eid), récemment orphelin, il est le dernier fils d’un Cheikh très respecté de cette contrée sauvage et désertique de la Péninsule Arabique. A deux pas des tentes qui servent de lieu de vie, il regarde admiratif Hussein, son cadet (émouvant et ténébreux Hussein Salameh) puisé l’eau pour les dromadaires. Entre les deux frères, une connivence indéniable et un amour profond les unissent : l’un apprenant à l’autre les us et coutumes de sa tribu, l’autre redonnant une fraîcheur et une légèreté à l’existence que le vent chaud chargé de sable érode.
La vie s’écoule lentement, insouciante jusqu’au jour où un britannique et un bédouin, qui lui sert d’interprète, s’invitent dans la communauté. Les deux hommes souhaitent se rendre sur le chemin des puits qui mène à La Mecque. L’équipée est dangereuse. Depuis l’arrivée du chemin de fer dans ces contrées arides et sauvages, une guerre fait rage entre les nomades rebelles, un peu brigands sur les bords, et l’armée d’occupation anglaise. Après un conseil de famille, il est décidé, au nom de l’hospitalité chère à leur peuple, qu’Hussein leur servira de guide. Refusant d’être séparé de son frère tant aimé, le jeune Theeb décide de les suivre de loin. Très vite l’hostilité du désert, de ce monde finalement mal connu par l’enfant choyé, va changer le cours de son destin et révéler le loup (signification de son prénom) qui se cache en lui.
En plaçant, au cœur de ces étendues sauvages somptueuses et de ces ravines sculptées par les éléments, le récit initiatique de cet enfant du désert, Naji Abu Nowar s’amuse des contrastes entre la nature des hommes et celle des paysages. La beauté rugueuse, âpre, de ces terres ocres répond ainsi à la noirceur toute joviale de l’âme humaine. En puisant dans la culture bédouine les ressorts dramatiques de son histoire, il dépeint avec beaucoup de respect un monde à la croisée des chemins où la modernité vient chambouler les rites ancestraux. Collant au plus près des ressentis du jeune Theeb, il signe une œuvre pure et féroce où se dessine la personnalité d’un enfant qui perd son innocence, confronté à la violence et à la brutalité des hommes. La linéarité du scénario et le comportement, un brin agaçant et capricieux du héros, perdent par moment notre intérêt qui se réfugie heureusement dans la beauté des paysages.
Porté par des comédiens authentiques aux visages burinés, brûlés par le soleil, ce long-métrage, un poil trop long, séduit par sa simplicité. Un moment hors du temps que la poésie visuelle rend magique.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Theeb, la naissance d’un chef
Film réalisé par Naji Abu Nowar
Avec Jacir Eid, Hassan Mutlag et Hussein Salameh
Sortie au cinéma le 23 novembre 2016
Crédit photos © Laith Al-Majali