Qu’il est doux de badiner à l’ombre d’une tonnelle, alangui sur des chaises longues posées sur une pelouse synthétique vert fluo ? Qu’il est amusant, le temps d’une farce, de se glisser dans la peau d’un autre, de jouer au jeu du chat et de la souris sur un air des Beatles ? En se libérant des codes du théâtre classique, tout en respectant la musicalité des vers, Salomé Villiers dépoussière Marivaux avec fantaisie et humour et livre une version décalée, pétillante et pop rock de sa pièce la plus célèbre. Une gourmandise à savourer avec délice !
Dans un décor de carton pâte rappelant le jardin luxuriant d’une maison de campagne, la jolie et candide Sylvia (épatante Salomé Villiers) est bien inquiète. Son père, le doux et cool Orgon (Détonnant Philippe Perrussel) a décidé de la marier à un inconnu, fils d’un de ses vieux amis. Face à l’anxiété qui la gagne, elle confie son trouble à sa suivante, l’effrontée Lisette (impétueuse Raphaëlle Lemann) et imagine un stratagème diabolique afin de rencontrer son promis sans que celui-ci sache qui elle est.
La jeune femme propose à son père d’inverser les rôles et de se glisser dans la peau de sa soubrette afin d’avoir le loisir d’observer qui se cache vraiment derrière son futur époux. Amusé par la lubie de sa fille, d’autant plus qu’il a appris par courrier que le jeune Dorante (charismatique et gauche François Nambot) s’apprêtait à faire de même avec son valet (inénarrable Etienne Launay), il acquiesce avec malice et espièglerie. De ce jeu de dupes, de ce badinage amoureux, vont naître moult quiproquos et situations cocasses qui verront l’amour triompher au delà des apparences.
Tout en gardant la magie acidulée et sucrée du texte de Marivaux, la charmante Salomé Villiers a su adroitement en moderniser le propos. De son regard doux et pétillant, elle a habilement mêlé la langue florissante du XVIIIe siècle et la musique rock des Beatles, pour nous offrir une version décalée et hilarante de ce Jeu de l’amour et du hasard. Forçant le trait des personnages, jouant sur les contrastes, exagérant les côtés « beauf » des domestiques, elle souligne intelligemment la satire sociale esquivée par le dramaturge.
La transposition à notre époque est d’autant plus réussie que la belle metteuse en scène a su s’entourer d’une troupe de comédiens talentueuse et chatoyante. Accorte, Raphaëlle Lemann est une Lisette fanfaronne et cocasse. Pulpeuse en diable, pas farouche pour un sou, elle joue de ses charmes et séduit par sa fraîcheur, et sa spontanéité. Dégingandé et clownesque, Etienne Launay est un Arlequin mal dégrossi et goujat à souhait. Chacune de ses apparitions est un régal pour nos yeux et nos zygomatiques. Tout en distinction bourgeoise, Philippe Perrussel est un Orgon espiègle et malicieux. Primesautier et narquois, Bertrand Mounier est un Mario endiablé et follement joueur. Pataud et ténébreux, François Nimbot est un Dorante plein de douceur et de noblesse. Quant à la lumineuse, Salomé Villiers elle se glisse avec finesse dans la peau de la douce Sylvia lui donnant ce qu’il faut de pudeur et de naïveté.
Il n’y a pas à hésiter, foncez déguster cette mignardise haute en couleur acidulée et hilarante. Amusement et rires garantis.
Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux
Théâtre du Lucernaire – salle rouge
53, rue Notre-Dame des Petits-Champs
75006 Paris
Jusqu’au 31 décembre 2016
Du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 18h.
Durée 1h20
mise en scène de Salomé Villiers assistée de Lisa de Rooster
avec Salomé Villiers, Raphaëlle Lemann, Philippe Perrussel, Bertrand Mounier ou Pierre Hélie, François Nambot et Etienne Launay
vidéos de Léo Parmentier
Crédit photos © Juin Jovelin