Alors que l’été s’installe enfin dans la capitale, quoi de mieux qu’une comédie pour se détendre et se rafraîchir. Avec beaucoup de malice et de dérision, Michel Clément s’attaque au grand mystère qu’est l’amitié, aux petits maux du quotidien et aux fêlures d’une société convenue, moins libre qu’il n’y paraît. Accompagné sur scène par deux comédiens complices, il s’amuse des codes et des stéréotypes pour mieux les détourner. Si parfois l’humour potache manque de peps et de brillant, la pièce séduit et offre un bol d’air frais particulièrement appréciable en ces temps moroses.
Dans un décor de bois plutôt réussi, qui semble tout droit sorti du géant de l’ameublement suédois, trois amis, trois quarantenaires, dégrisent d’une nuit bien arrosée. Axel (charmant Stéphan Guerin-Tillié), séducteur incorrigible, a le réveil bien douloureux. La veille, pris dans le feu de l’action et subjugué par la jolie serveuse, il n’a pas résisté à payer la note particulièrement salée et ainsi inviter ses deux meilleurs amis Antoine (étonnant Clément Michel) et Jules (fantastique Sébastien Castro) à diner.
Les vapeurs d’alcool se dissipant, il demande avec un aplomb des plus naturels à ses acolytes de le rembourser. Cette requête tardive va révéler les incompréhensions, les ressentiments et les failles de leurs liens amicaux. Alors que Jules, prof de fac un peu coincé, prend les choses avec philosophie, Antoine, célibataire, flippé de la vie, ne l’entend pas ainsi. Frustré dans une vie trop étriquée, rigide dans ses principes, il refuse tout net de rembourser, estimant qu’on ne peut jouer au généreux, à l’arrogant même sympathique et se dédire le lendemain.
Petit à petit, le vernis de l’amitié craque, chacun se libérant de ses pensées les plus intimes, de ses vérités sur les autres, de ses jugements à l’emporte pièce. La mécanique, bien qu’éculée, fonctionne grâce à la mise scène rythmée de David Roussel. Il enchaîne avec maestria les quiproquos et les rebondissements, jouant de nos certitudes pour mieux les déjouer. Si parfois la pièce tombe dans les travers inhérent à ce type de trio -toujours deux protagonistes contre le troisième souvent absent de la scène – , la plume enlevée et fine de Clément Michel signe un texte intelligent, touchant et drôle. N‘évitant pas certains clichés, et un final convenu, la pièce, sans prétention aucune, fait parfaitement son office : faire rire malicieusement le public.
Cette réussite doit beaucoup au trio de comédiens. Stéphan Guerin-Tillié est excellent en vieux beau, un peu beauf et dragueur invétéré. Sûr de son charisme, se noyant dans les aventures sans lendemain, il va apprendre la rédemption et le sens du couple et de l’amour. Sébastien Castro est quant à lui hilarant et irrésistible en homme sage un peu coincé, qui va révéler au fil de la pièce une nature aventureuse et bouillonnante. Enfin, Clément Michel se glisse avec gourmandise dans le rôle de l‘éternel célibataire insatisfait de sa vie, alignant les poncifs et les conseils, jugeant les autres sans pour autant se remettre en question.
Si l’été parisien, vous semble triste et peu ensoleillé, n’hésitez pas à courir au théâtre de la Gaité-Montparnasse pour vous laissez porter par cette charmante comédie qui vous mettra sans nul doute de bonne humeur !…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
L’addition de Michel Clément
Théâtre de la Gaîté Montparnasse
26, rue de la Gaîté
75014 Pairs
Du mardi au samedi 21 h et le dimanche à 15h.
Durée 1h20
Une comédie de Clément Michel
Mise en scène David Roussel
Avec Sébastien Castro, Stéphan Guerin-Tillié et Clément Michel
Scénographie de Sarah Bazennerye
Lumières de Denis Koran
Crédit photos © Bernard Richebe