Statufiée dans une immense et sculpturale robe bustier, l’iconique Evita se tient droite, hiératique, immobile sur scène. Cette idole, qui sacralise, encore aujourd’hui, toutes les passions d’un peuple, reprend vie, sous nos yeux, grâce au jeu sensible et fascinant de Sebastiàn Galeota. Portant un texte fin, caustique, spécialement écrit pour lui par Stéphan Druet, le comédien relate la courte et intense existence d’Eva Perron entre émotion, drame, humour ravageur et paillettes… Un seul-en-scène qui fait mouche !…
Une voix transperce l’obscurité. Elle gronde et appelle avec virulence et douleur des âmes disparues depuis longtemps. Celle d’Eva et Juan, couple présidentiel qui régna sur l’Argentine durant plus de 6 ans. Les prénoms se répètent et résonnent. Aucune réponse ne se fait en écho. Le timbre se voile avant qu’un silence pesant ne s’installe. Puis, le rideau s’ouvre sur une scène quasi vide. Au centre, trône une sorte de statue vivante cachée derrière un énorme amas de tulle blanc, une phénoménale crème chantilly de tissu, une robe bustier monumentale signée Franck Sorbier.
Cheveux blonds peroxydés, tirés en arrière, chignon impeccable, maquillage légèrement appuyé, bijoux clinquants, le buste d’Evita émerge de cet amoncellement d’étoffes. Droite, majestueuse, le regard dans le lointain, celle qui fut présidente d’Argentine autant adulée que haïe, se tient devant nous immobile. Fantôme ou émanation spectrale de cette icône politique des années 1950, Sebastiàn Galeota se glisse avec facilité et virtuosité dans la peau d’Eva Peròn. Il lui redonne littéralement vie. Il vibre au diapason avec son personnage : une femme du peuple, une bâtarde, qui s’est hissée grâce à son intelligence et son charme au sommet de l’Etat ; une comédienne, une star de la radio, qui a su créer de son vivant sa légende quitte à égratigner ceux ou celles qui se dressaient sur son passage.
Le texte ciselé et la sobre mise en scène de Stéphan Druet rendent hommage à cette femme de passion sans pour autant gommer ses zones d’ombres, ses contradictions. Il la rend humaine, emportée, vindicative, terriblement charismatique et enjôleuse. Avec un humour féroce, il dépeint l’ascension vertigineuse d’Evita. De son enfance rurale à son arrivée à Buenos-Aires, de sa vie de courtisane jusqu’à son mariage avec Juan Peròn, véritable arrangement qui les mènera aux firmaments, de sa vie de passionaria du peuple à sa mort à 33 ans d’un cancer de l’utérus.
La performance de Sebastiàn Galeota est impressionnante. Emprisonné dans sa robe colossale, immobile, seuls ses gestes, son regard, ses expressions, transmettent ses émotions. Avec maestria, il passe de la tristesse à la joie. Tour à tour grave ou irrésistiblement drôle, hystérique ou ensorceleur, il nous embarque au cœur de cette vie de légende. Rapidement, on oublie l’homme derrière la femme. Loin d’un show travesti, il puisse dans sa féminité pour transcender Evita. Sans l’imiter, sans jeu superflu, il est Eva Peròn, il est le coiffeur qui s’identifie à sa cliente. Il l’incarne avec virtuosité…
Entre rires et moments plus touchants, ce spectacle exubérant séduit par sa fraicheur et son originalité… un show « so » queer à découvrir sans tarder !…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Evita – Amour, gloire, etc…, de Stéphan Druet
Festival OFF d’Avignon
Théâtre des 3 soleils
4, rue buffon
84000 Avignon
du 7 au 30 juillet 2016
tous les jours à 20h
durée : 1h10
Reprise
Au théâtre de Poche-Montparnasse
75 Bd du Montparnasse
75006Paris
Jusqu’au 22 janvier 2020
Du Mardi, mercredi, jeudi 21h
Mise en scène de Stéphan Druet
avec Sebastiàn Galeota
Crédit photos © David Chabert