Attendue depuis plus d’un an, la comédie musicale survitaminée, créée par France Gall et Bruck Dawit, enchante les fans de Michel Berger, heureux de (re)découvrir certains morceaux rares, comblés de se déhancher sur ses plus remarquables compositions et ravis d’entonner à tue-tête ses plus célèbres tubes. Passé le bel hommage au compositeur trop tôt disparu, la très énergisante mise en scène de Ladislas Chollat, la jolie et dynamique scénographie d’Emmanuelle Roy, et le talent des artistes, il ne reste malheureusement que peau de chagrin. Un livret pauvre, une rythmique mal maîtrisée, une histoire bancale, des dialogues calamiteux et des chorégraphies, certes, innovantes, mais qui manquent cruellement d’esthétisme, en sont les principaux points faibles… Mais au final, Comme des piles électriques, le public, debout, donne tout pour la musique et se laisse séduire par ce spectacle populaire, superficiel et léger.
Malgré les terribles et tragiques événements qui viennent de meurtrir la France, la salle est comble. Le public, groggy, sonné, cherche un peu de légèreté, un moment de répit, une lueur d’espoir. Résiste, la comédie musicale imaginée par France Gall et Bruck Dawit, pour faire revivre les compositions du défunt Michel Berger, outre son titre évocateur, semble être le spectacle idéal. D’autant que beaucoup de spectateurs présents trépignent d’impatience depuis des mois. Tels des Papillons de nuit, nombreux d’entre eux, des quarantenaires et des cinquantenaires, ont été attirés par l’alléchant spectacle : un hommage au compositeur qui a donné couleurs, éclats et bien-être à leur enfance et leur adolescence.
La salle à peine plongée dans le noir, un écran géant nous emmène dans un appartement « cosy » où une petite fille attend que sa grand-mère (incontournable et omniprésente France Gall) lui raconte une histoire avant de dormir : celle de Maggie (pétillante Léa Deleau – sosie quasi parfait de la susnommée). Jeune fille grave, elle tient avec sa sœur Mandoline (rebelle Elodie Martelet) et son père (sympathique et charmant Laurent Hennequin) la boîte de nuit, Lola’s, nommée ainsi en souvenir de leur mère décédée. Malgré une belle renommée, l’entreprise familiale est au plus mal. Les financiers sont aux portes du club pour tout dépecer.
Bien que France Gall nous promette un récit palpitant, plein de rebondissements, avec de l’amour, de l’aventure et des morts, ce n’est pas là l’important. Disons-le, le livret est particulièrement pauvre. L’histoire banale et bancale. Des textes lourds et assez indigents qui ne servent qu’à combler le vide entre deux chansons.
La voilà la grande force, la magie de cette comédie musicale, nichée dans le creux de notre mémoire collective : la musique de Michel Berger. Avec beaucoup d’amour et de tendresse, France Gall et Bruck Dawit revisitent les titres du grand homme. Sans abîmer, ni trahir, les morceaux originaux, ils ont su leur donner du « pep’s », de l’énergie et une modernité « pop » qui ravit les fans. Dès les premières notes des grands classiques – Ella, elle l’a, Musique, Viens je t’emmène, Débranche, etc… – la foule en délire se lève, chante, danse, applaudit dans une très belle et très euphorisante communion avec les chanteurs, les comédiens, les danseurs et les musiciens. Quelques notes suffisent à faire vibrer le Palais des sports. C’est beau et réconfortant, voire grisant quand, comme un seul homme, la salle se lève pour entonner Résiste… Véritable chanson étendard d’un monde qui veut vivre coûte que coûte…
Le talent des chanteurs et des danseurs, la mise en scène rythmée de Ladislas Chollat et la très jolie scénographie d’Emmanuelle Roy ne suffisent cependant pas à gommer le ressenti de frustration qui envahit les plus réticents des spectateurs. Avec de telles compositions, on aurait aimé un travail plus soigné, moins « kitsch », une histoire plus enlevée, une meilleure rythmique. En effet, pourquoi interrompre brutalement, par l’entr’acte, l’euphorie à peine naissante d’une salle qui ne demande qu’à se lacher ? Quel intérêt à entrecouper le spectacle de vidéos montrant France Gall en grand-mère un peu rock, si ce n’est pour imprimer son image tutélaire à ce show déjà suffisamment estampillé par la chanteuse ?
Les autres points noirs de cette super-production sont les chorégraphies de Marion Motin. Visuellement, elles ne fonctionnent pas. Les mouvements désordonnés, saccadés, mimant l’effet « boîte de nuit » où chacun joue sa partition sans se soucier du qu’en-dira-t-on et de l’autre, donnent un ensemble brouillon peu esthétique. Et c’est d’autant plus dommage que sur certaines chansons comme La groupie du pianiste, la magie opère… et séduit.
Au final, les bémols, bien que nombreux, s’estompent devant l’énergie qui se dégage du spectacle. Euphoriques, heureux, le temps d’une soirée, Quittons dans ce monde insolite, faisons taire les mélancoliques, avec notre propre rythmique et notre joie, Musique, et que chacun se mette à chanter
Et que chacun se laisse emporter …
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Résiste de France Gall et Bruck Dalit
Palais de sports
34, Boulevard Victor
75015 Paris
à partir du 4 novembre 2015 à 20h
durée 2h30 avec entracte
Mise en scène de Ladislas Chollat assisté de Eric Supply
Adaptation du Livret et co-dialogues de Laetitia Colombani
Chorégraphie de Marion Motin
scénographie d’Emmanuelle Roy
avec Léa Deleau, Elodie Martelet, Gwendal Marimoutou, Laurent Hennequin, Corentine Cellier, Victor Le Douarec, Stéphane Roux, Louya Kounkou, Ben A.K.L., Jocelyn Laurent, Adrien Pelon, Virgine Ramis, Chloé Lefevbre, France Gall, Pierre-antoine Brunet, Alison Benezech, Caroline Bouquet, Youri Ferida, Laura Defretin, Karim Khouader, Audrey Hurtis, Brandon Malboneige Masele, Coline Siberchicot, Julien Ramade, Kevin Moulin, Romain Veysseyre, Vincent Lanty, Pierre Terrasse, Jean-Baptiste Cortot, Frédéric Scamps et Guillaume Juramie
Crédit photos © Boby