En s’interrogeant sur la norme sociale, ses limites, ses codes et ses convenances, Fabio Marra signe une pièce intimiste, émouvante et juste. Jamais dans le jugement, il aborde avec beaucoup de tendresse le sujet complexe du handicap. La présence lumineuse de Catherine Arditi l’emporte, là où la mise en scène achoppe. Son jeu viscéral bouleverse, quand celui des deux autres comédiens est parfois trop appuyé. Sur le fil, on est séduit par ce texte concis et élégant qui interroge nos consciences…
L’argument : croyant au rire comme antidote au drame, Fabio Marra écrit une nouvelle création.
L’histoire se déroule autour d’un thème aussi inconnu qu’universel : la « normalité ». Qu’est-ce qu’être « normal » ? Sommes-nous prêts à accepter la différence ? Isabella, interprétée par Catherine Arditi, est une femme déterminée. Elle vit avec son fils Mikele, un jeune homme simple d’esprit, impulsif et généreux. Cette relation fusionnelle nous parle d’attachement, de sacrifice, avec un mélange de tendresse et d’ironie.
La critique : sans préambule, le spectateur est projeté dans le quotidien dur, âpre et aimant d’Isabella (magistrale Catherine Arditi) et de son fils attardé, Miquele (attachant et désespérant Fabio Marra). Dans la cuisine sans âge d’un appartement modeste, situé dans un quartier populaire de Rome, ces deux êtres, soudés autant que bringuebalés par la vie, s’affairent. Au plus près de leur intimité, on découvre une mère épuisée par les facéties de son vieil enfant de 30 ans, bien qu’elle déborde d’amour pour celui qui n’a pas su, n’a pas pu grandir. Aux portes de la pauvreté, ils survivent dans une joyeuse euphorie. Loin d’être misérabiliste, leur vie est rythmée par des petits riens, un café, un plat de spaghetti à la carbonara, etc… Ce petit monde qui cache un lourd secret de famille va voir sa paisible existence et son équilibre menacés par le retour au bercail de la sœur cadette (charismatique et rigide Sonia Palau). A la veille de son mariage, cette dernière qui a fui depuis longtemps le cocon familial, souhaite régler ses comptes et surtout exister enfin aux yeux de sa mère.
De quiproquos en non-dits, d’incompréhensions en contradictions, ces trois êtres vont essayer de reconstruire leur famille. Malgré les cris, les larmes, les rires, les tensions et la violence des propos et des actes, l’amour qui les lie est puissant, indestructible. Chacun pensant agir dans l’intérêt de l’autre, chacun vivant dans le regard de l’autre, chacun finira par comprendre l’autre et l’accepter tel qu’il est. C’est là toute la magie de cette pièce : parler des petits riens du quotidien avec une certaine poésie. Les mots, concis, simples, parfois incisifs, donnent le rythme. La mise en scène de Fabio Marra, pourtant sobre, est parfois alourdie par son envie de trop bien faire. Son jeu, empli de trop de mimiques et de grimaces, en est un exemple.
En confiant à Catherine Arditi le rôle de cette mère « courage » qui a sacrifié sa vie pour éviter à son enfant d’être placé en institution, il donne un souffle singulier et viscéral à son spectacle. Intense, émouvante et combative, la comédienne illumine la scène de son jeu, tout en retenue et passion. Elle est cette « mamma » italienne. Elle est cette femme brisée qui aime ses enfants au-delà de tout. Elle est cette chef de famille qui fera tout pour protéger les siens. Pris dans les rets d’Isabella, nos protections cèdent une à une. Cette histoire simple nous touche droit au cœur. Après tout, la normalité n’est-elle pas un frein dans nos rapports aux autres ? C’est Ensemble que l’on doit combattre les préjugés…
Festival Avignon OFF 2015
Théâtre de la Luna
1, rue Séverine
84000 Avignon
Jusqu’au 26 juillet 2015
tous les jours à 19h35
durée 1h18
texte et mise en scène de Fabio Marra
scénographie de Claude Pierson
costumes de Céline Curutchet
musique : Les Guappecarto
Avec Catherine Arditi, Sonia Palau, Floriane Vincent, Fabio Marra
nom de la compagnie : Carrozzone Teatro
