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Open Space de Mathilda May … Vie de bureau savoureusement croquée…

De retour sur les planches du Théâtre de Paris, la pièce qui, l’automne dernier, a fait les beaux jours du Théâtre du Rond-Point, propose une immersion drôle, détonante et burlesque dans le monde impitoyable de l’entreprise et de cet espace impersonnel qu’est l’open space. Avec humour, autodérision, et finesse, Mathilda May croque le portrait de six de ces employés de bureau ordinaires, obligés de se côtoyer pour survivre dans cet univers hostile. Ce spectacle sans paroles allie avec ingéniosité, imagination et intelligence danse, théâtre et chant. Du grand art à la Jacques Tati… Irrésistible. L’argument : Six employés, trois hommes et

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Après le théâtre du Rond-Point, Open Space de Mathilda May fait rire aux éclats le théâtre de Paris

De retour sur les planches du Théâtre de Paris, la pièce qui, l’automne dernier, a fait les beaux jours du Théâtre du Rond-Point, propose une immersion drôle, détonante et burlesque dans le monde impitoyable de l’entreprise et de cet espace impersonnel qu’est l’open space. Avec humour, autodérision, et finesse, Mathilda May croque le portrait de six de ces employés de bureau ordinaires, obligés de se côtoyer pour survivre dans cet univers hostile. Ce spectacle sans paroles allie avec ingéniosité, imagination et intelligence danse, théâtre et chant. Du grand art à la Jacques Tati… Irrésistible.

L’argument : Six employés, trois hommes et trois femmes, de ce qui pourrait être une petite compagnie d’assurances, se supportent et s’insupportent le temps d’une journée.
Il y a d’abord le doyen de la boîte, oublié pour cause de mise au placard. Puis, la jolie fille, bourrée de complexes, amoureuse du beau gosse ambitieux, lequel a un coup de foudre pour le réparateur de machine à café, sans oublier l’employé modèle, amoureux transi de la précédente, et puis, la « business woman », avec ses problèmes d’alcool, ou encore, celle qui parle fort, baille et se mouche à grand bruit. Tout ce petit monde s’agite dans cet espace de la rentabilité que les patrons nomment « open space ». Entre la photocopieuse et les pots à stylos, les ordinateurs et les sièges à roulettes, la vie de bureau de ce concentré d’humanité (presque) ordinaire n’a rien d’un long fleuve tranquille.

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Six personnages en quête d’intimité  et d’humanité © Giovanni Cittadini Cesi

La critique : Alors que le public s’installe confortablement dans la salle du théâtre de Paris, sur scène, une femme sans âge, difforme, tablier de travail sur le dos, époussette sans enthousiasme claviers, écrans, lampes et bureaux gris. Le moindre mouvement semble souffrance. Adepte du moindre effort, elle nettoie sans conviction et sans force les locaux tristes d’une entreprise tout droit sortie des années 1970. Dans cet univers impersonnel, seule, la couleur orange des armoires donne un peu de fantaisie.

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Dans cet Open Space, difficile d’être seul un instant même pour fumer © Giovanni Cittadini Cesi

Les lumières s’éteignent. C’est le matin. L’ascenseur s’ouvre et vomit littéralement 6 employés. Dans un grand fracas, chaque protagoniste se prépare à affronter sa dure journée de labeur. Certains enlèvent leur pardessus et tentent tant bien que mal de l’accrocher sur l’unique porte-manteau de ce bureau commun, froid et impersonnel, tandis que d’autres troquent les chaussures pour de plus seyantes mais moins confortables à talons aiguilles. A grand fracas, ce microcosme s’installe et se ré-acclimate, comme tous les matins, à cette « vie ensemble ». Bâillements, éternuements, grincements des sièges et des tiroirs, s’enchaînent et se juxtaposent dans un énorme brouhaha. Dans cette jungle entrepreneuriale et quotidienne, les sourires et la bonne humeur se lézardent, laissant place à une lassitude rythmée par la mécanique routinière. Tel un ballet, toutes les postures sont déjà réglées depuis longtemps. Les corps se laissent faire, habitués à ce huis-clos, à cet espace sans intimité où leurs moindres gestes sont épiés. Se supporter les uns les autres est une nécessité vitale. Vivre ensemble, ou plutôt, « survivre » !…

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Dans l’univers impitoyable de l’entreprise ©Giovanni Cittadini Cesi

Tout le monde est prêt, chacun à sa place. La journée peut commencer. La « pin-up » (hilarante Stéphanie Barreau), rouge à lèvres agressif , les rondeurs moulées dans une tenue ultra « sexy », s’affaire en faisant claquer ses très bruyants talons sur le linoleum. Sa bonne humeur permanente, son dynamisme forcé exaspèrent au plus haut point. La secrétaire (étonnante Agathe Semin), bosseuse, timide et complexée, cache son corps derrière des vêtements informes. Elle rougit à l’approche du play-boy de service (irrésistible Loup-Denis Élion). Toutes dents blanches dehors, prêtes à rayer le parquet, il joue de son charme dans l’espoir d’un avenir un peu meilleur, quitte à écraser ses collègues. La « working girl » (fabuleuse Dédeine Volk-Leonovitch), pimpante en tailleur, mais le regard laissant transparaître une légère mais durable dépression, a une fâcheuse tendance à plonger la tête dans son sac, dans un tiroir, à la recherche de la moindre goutte d’alcool, seul remède pour sa survie dans cet enfermement quotidien. Le « bon gars » (étonnant Gabriel Dermidjian), un peu lourd, assez insipide, mal à l’aise, serviable avec tout le monde, se complaît dans cette vie sans âme. L’homme « invisible » (épatant Emmanuel Jeantet), placardisé, errant à son travail par habitude, rêve d’ailleurs et de reconnaissance. A ce petit monde, bien tranquille, s’ajoute un patron, « boss » (excellent Gil Galliot), aux faux airs de dictateur, qui terrorise ses employés à défaut de gérer correctement son entreprise.

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Le coq entouré de ses poules © Giovanni Cittadini Cesi

Dans cet espace confiné, à la limite du respirable, seules, la machine à café, les toilettes, la cabine fumeur et l’heure du déjeuner offrent un peu d’air. Malgré l’oppressante atmosphère des lieux, ce microcosme déborde de ressort comique. Véritable théâtre de la vie, l’ »open space » devient un terrain de jeu où les moindres mimiques, les petites manies, les complots, les trahisons, les veuleries, les amourettes, les amitiés et les engueulades font sourire, voire franchement rire. Certaines réminiscences de nos quotidiens sont jubilatoires

A nous rappeler notre quotidien, Mathilda May séduit et emballe. Pour cette première expérience en solo, l’actrice, chanteuse et danseuse, fait mouche. Loin de dénoncer la pratique de l’ »open space », elle décrit ce monde étonnant où la proximité forcée fait force de loi. De son œil extérieur, presque scientifique, elle dépeint avec justesse et fantaisie un univers social morose. En prenant le parti d’un spectacle sans paroles, mais riche de borborygmes et onomatopées en tous genres, elle signe une œuvre d’une rare intelligence, parfaitement chorégraphiée. Aidée par le talent de ses 7 comédiens, elle mixe pas de danse ( inoubliable ballet amoureux entre le play-boy et le plombier), chant choral, pure comédie, et pantomime ( la danse du coq autour de ses trois poules), avec dextérité. Seul bémol, à cet enchaînement de saynètes plutôt réussi, quelques longueurs qui mériteraient d’être un peu élaguées. La pièce gagnerait en rythme en se resserrant sur le ressort comique.

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Un patron aux allures de dictateur, un employé terrorisé © Giovanni Cittadini Cesi

Loufoque, timbré, absurde, délirant, humain, l’ Open Space de Mathilda May est une jolie pièce, pleine de verve… Désopilante !…

Open space de Mathilda May
Théâtre de Paris
15, rue Blanche
75009 Paris
Jusqu’au 12 juillet 2015
Du mardi au samedi 21h00
Le Dimanche à 15h30

conception et mise en scène  de Mathilda May
collaboration artistique Jean-François Auguste
musique de  Nicolas Montazaud avec Mathilda May
scénographie d’Alain Lagarde
Lumières de Roberto Venturi assisté d’Odilon Leportier
costumes de Valérie Adda
avec Stéphanie Barreau, Agathe Cemin, Gabriel Dermidjian, Loup-Denis Élion, Gil Galliot, Emmanuel Jeantet, Dédeine Volk-Leonovitch

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