Le regard bleu-pâle, intense, parfois voilé d’une ombre, le visage avenant, le corps gracile et élégant, Flannan Obé est un artiste complet, un touche-à-tout de l’art vivant. Fils de comédiens, l’appel des planches s’est imposé à lui dès le plus jeune âge. Comédien, chanteur, danseur et auteur, il sait tout faire. De ses débuts au conservatoire de Pantin jusqu’à ce jour, il n’a cessé d’évoluer et de construire son identité artistique. Quelques jours avant de reprendre son one man show musical au Point-virgule, tous les lundis du mois de juin, il se dévoile un peu, passionnément, à la folie…
Parisien de naissance, Flannan Obé est le fruit de l’union de deux comédiens. Il est encore tout petit lorsque ses parents divorcent. « Ma mère, raconte-t-il, a arrêté sa carrière, tandis que mon père a continué à vivre de cette passion. Très tôt, j ‘ai assisté à des répétitions, à des tournages. Cela me faisait rêver. Du coup, tout jeune, j’ai su que je voulais être comédien, faire ce métier de saltimbanque. D’ailleurs, il y a peu, je me suis rendu compte que tout ce qui me définit actuellement en tant qu’artiste – jouer, chanter, mettre en scène et écrire – était déjà en moi quand j’étais petit. » Pour le comédien, qui vient de fêter ses 40 ans, c’est son inconscient qui a parlé. Petit, tout est possible. Il transformait sa chambre en salle de théâtre. Il montait des pièces, que ce soit pour lui ou, plus tard, pour l’école. Ses amis venaient répéter chez lui. C’était simple. En mettant de l’ordre dans ses souvenirs, il a même retrouvé des enregistrements « audio » de cette époque, où il déclamait des vers qu’il avait lui même écrits. Grand fan de Michel Serrault, il l’imitait à tout bout de champ. Deux films cultes, deux artistes, vont aussi l’influencer: Chantons sous la pluie avec Gene Kelly, et Une étoile est née avec Judy Garland. Cette dernière restera à jamais dans l’inconscient du jeune homme, telle une véritable icône… Puis, le jeune Flannan a grandi. Les choses sont devenues plus compliquées. « Un jour, explique-t-il, on perd l’inconscience et la facilité des jeux d’enfants, on se retrouve face à d’autres personnes tout aussi motivées et talentueuses. C’est désarçonnant. Il faut se battre. » Bien qu’issu d’une famille de comédiens, aucun de ses parents ne l’a poussé dans cette voie. « Je crois, se souvient-il, que ça amusait mon père, mais il n’a jamais eu un regard complaisant sur mon travail. Il est plutôt du genre très critique. »
Le parcours
Afin de concilier sa passion et les souhaits parentaux, en parallèle à ses études, il s’inscrit à 14 ans à des cours de théâtre au conservatoire de Pantin. Puis en première et en terminale, au cycle préparatoire pour les lycéens, du cours Florent. Le bac en poche, logiquement, il intègre l’institution et suivra le cursus normal de 3 ans et demi.
En parallèle, le comédien en devenir se passionne pour le chant lyrique. Après avoir suivi, dès ses 16 ans, des cours particuliers, il s’inscrit donc aussi à une formation spécialisée au conservatoire de La Rochelle. « Une fois par semaine, se remémore Flannan Obé, je faisais l’aller- retour. C’était fatigant mais vital. Depuis que j’avais été membre d’un chœur au lycée, le chant faisait partie intégrante de ma vie. Je ne me voyais pas y renoncer. Même si je me considère surtout comme un comédien, le chant reste indissociable de mon métier. Au début, j’ai participé à des spectacles chantés presque par hasard… et ce fut une évidence. Aussi maladroit que cela puisse paraître, j’étais à ma place. »
Chanteur, dans la catégorie ténor, il l’est, même s’il avoue que n’ayant pas suivi un cursus de chanteur d’opéra, il se sent parfois complexé… Mais comédien, il l’est aussi. Dans les deux cas, Flannan a une corde de plus à son arc. Loin de s’en contenter, en intégrant le casting de comédies musicales, il a dû se mettre à la danse. S’il a toujours aimé danser et bouger, ce n’était pas suffisant. « Il y a une dizaine d’années, se souvient-t-il, j’ai commencé à prendre des cours de danse classique, puis de modern Jazz et enfin, de claquettes. J’ai dû, en peu de temps, apprendre les bases. Le reste, c’est sur le tas que je l’ai découvert, au cours de différents spectacles. C’est une sorte de formation continue. »
Premières expériences
A tout juste 14 ans, Flannan Obé joue sa première pièce : La nuit des rois de William Shakespeare. C’est le spectacle de fin d’année du conservatoire de Pantin. « La vie est parfois surprenante, dit-il avec espièglerie. Il y a peu, j’ai rejoué sur la même scène ! J’ai eu le sentiment d’avoir effectué un premier cycle dans ma vie d’artiste…. Depuis mes débuts, il y a donc 25 ans, j’ai bien sûr évolué. J’ai appris mon métier, j’aborde le travail de façon plus sereine, mais les doutes sont toujours là ! Quoi qu’il en soit, je n’ai jamais voulu changer ou arrêter d’être sur scène. Si un jour, cela s’arrêtait, c’est vers l’écriture que je me tournerai. »
Les grandes étapes
Tout a réellement commencé par un trio : Lucienne et les garçons. Durant 7 ans, avec ses complices, la soprano Lara Neumann et le pianiste Emmanuel Touchard, Flannan Obé, a sillonné la France, de Paris à Avignon, avec deux spectacles qui avaient comme thématiques les chansons drôles et coquines des années folles, puis de l’entre-deux guerres. « C’est parti d’une discussion dans un pavillon de banlieue, se souvient-il, avec deux de mes amis. J’avais 27 ans à l’époque. Quand on a commencé à poser sur le papier nos idées, on ne savait pas si cela ferait rire d’autres personnes que nous. C’était un nouveau challenge : écrire pour nous, faire un spectacle qui combinait chant, jeu et quelques chorégraphies. C’était très music-hall à l’ancienne, une culture un peu surannée mais qui me touche énormément… sans doute à cause de mon père…». Agé de 86 ans aujourd’hui, Jean Obé a fait ses débuts, en écrivant et interprétant ses propres chansons, au petit cabaret de « l’Ecluse« , en même temps que Barbara. « J’en conviens, confesse le jeune artiste, j’adore ce style très français ! Mais je suis tout aussi passionné par la comédie musicale américaine.»
Après ce show très formateur, Flannan Obé est enrôlé par la Compagnie des Brigands, spécialisée dans la redécouverte d’opérettes oubliées. « C’était en 2008, raconte le comédien. On venait de terminer la dernière tournée de Lucienne et les Garçons. Ils m’ont proposé de jouer dans leur adaptation d’Arsène Lupin banquier, et c’est ainsi que j’ai repris le rôle qu’avait Jean Gabin à ses débuts ! Cela fait maintenant 7 ans que je travaille régulièrement avec eux. C’est complet comme j’aime : il faut chanter, jouer et danser. » En parallèle, l’artiste aux multiples talents se lance dans un nouveau projet de spectacle avec son amie Florence Andrieu. Ils créent, en 2009, au Vingtième théâtre, L’envers du décor, un spectacle unique mêlant encore une fois tous les métiers de l’art visuel : la comédie, le chant et la danse. Produit deux fois au Festival d’Avignon, ce duo détonnant tournera pas mal dans les différents théâtres de France et de Navarre, avant de se poser, à plusieurs reprises, au Théâtre du Ranelagh, à Paris. « Durant les 7 années de cette aventure, ce fameux cycle qui me colle à la peau, raconte l’artiste avec humour, le spectacle a beaucoup évolué. Comme de la haute couture, c’est du « sur mesure ». Nous avons essayé d’aller au plus juste, à la meilleure formule. Nous avons, l’été dernier, tourné la page, et nous travaillons avec Florence à un tout nouveau projet qui devrait se jouer à Paris la saison prochaine. »
Fort de ses diverses expériences sur les planches, et de quelques apparitions marquantes dans des fictions télévisuelles (Avocats et associés ou Clara Sheller saison 2), Flannan Obé est contacté pour interpréter le rôle titre de La nuit d’Elliot Fall, une création. « C’était dément, se souvient-il, de participer à cette entreprise. Et quelle belle équipe d’artistes ! »
Metteur en scène
C’est avec les Swinging poules, un trio de chanteuses chantant l’émancipation féminine sur des airs swing (qui seront de retour à l’Alhambra à partir de juillet) que Flannan Obé passe de l’autre côté du miroir. « Être metteur en scène, dit-il, ça a presque un côté reposant ! On se met au service des autres. On est là pour mettre en valeur ceux qui sont sur les planches, et pas soi-même, et c’est au final très agréable de diriger d’autres personnes, et de chercher ensemble… » Suite à cette expérience réussie, il met actuellement en scène le spectacle des Sweet System, un trio de jazz féminin qui devrait faire les beaux jours du prochain Festival d’Avignon, avec Jazz Club et talons aiguilles.
Multiples talents
Boulimique de travail, Flannan Obé ne s’arrête quasiment jamais. Le peu de temps libre, il en profite pour voir ses amis. Sinon, quand il n’est pas sur les planches, il est en coulisses et met en scène, ou alors, derrière un bureau pour écrire un nouveau spectacle. Jamais en pause, il carbure aux multiples projets. « La saison dernière, explique-t-il, dans la même journée, il m’arrivait d’écrire le matin, mettre en scène l’après-midi et jouer le soir. C’était un rythme effréné. Mais honnêtement, même si c’est parfois épuisant, c’est luxueux et ressourçant. Pour moi, c’est vital. Plus les années passent, plus je me rends compte que j’ai besoin de cette multitude. »
Le présent
Pour son spectacle en solo, qui est en fait un duo, Flannan Obé s’est inspiré de son ressenti d’enfant. « Quand j’ai écrit Je suis le petit jeune homme que vous cherchez, que j’ai créer en mars dernier au Point Virgule, raconte-t-il, je suis parti d’une sorte d’introspection, et du constat que tout ce qui me définit aujourd’hui en tant qu’artiste était déjà en moi quand j’étais petit. Et même si ce spectacle n’est pas autobiographique, il y a dedans beaucoup de ce que je suis. J’ai voulu partir de quelque chose d’intime, de singulier… qui peut parler à tout le monde. J’ai écrit les textes et mon comparse pianiste, Yves Meierhans, les met en musique, le tout sous le regard de mon metteur en scène, Jean Marc Hoolbecq. »
Comme un seul projet ne pourrait lui suffire, Flannan Obé était aussi à l’affiche de Sweeney Todd, en tournée, et il vient de participer à la création du Songe d’une nuit d’été de William Shakespeare, à Trappes, avec Déclic Théâtre (troupe d’où est issue Djamel Debbouze).
Amoureux des interprètes français, tels Jacques Brel, pour son phrasé incomparable, Juliette Gréco, pour ses mouvements de mains si élégants, ou Camille, pour son jeu avec les sonorités, la tête pleine de projet, Flannan Obé est un jeune quarantenaire en pleine ascension. Laissez-vous séduire par cet artiste aux multiples facettes…
Je suis le petit jeune homme que vous cherchez
Théâtre du Point Virgule
Les lundis de juin à 19 h
écrit et avec Flannan Obé
au piano Yves Meierhans
Mise en scène Jean-Marc Hoolbecq