Le secret est dévoilé. Pour peindre certains de leurs tableaux, les artistes avaient parfois recours à des artifices, tels que l’utilisation de mannequins objets. Entourée de quelques mystères, cette pratique usuelle de la Renaissance au XXe siècle est le thème central de l’exposition qui accompagne la réouverture du musée Bourdelle. Au delà du lieu magique – atelier du sculpteur- et des œuvres de la collection permanente, cette plongée dans l’intime de la création artistique offre une approche originale, rare et passionnante. A découvrir !…
L’argument : Mannequin d’artiste, Mannequin fétiche inaugure la programmation de réouverture du musée Bourdelle après huit mois de fermeture pour travaux. L’exposition retrace l’histoire de ce secret d’atelier, à travers un parcours à la scénographie théâtrale.
Cette exposition est organisée par le Musée Bourdelle et le Fitzwilliam Museum, où elle a été présentée pour la première fois en 2014.
La critique : Pour sa réouverture, le musée Bourdelle nous invite à découvrir l’envers du décor des ateliers d’artistes de la Renaissance au XXe siècle. Derrière l’énigmatique titre Mannequin d’artiste, mannequin fétiche se cache un univers immobile, constitué de bois, de toile et de paille. Ici, aucune personne de chair et de sang, mais bien des mannequins, des poupées, de ces êtres sans vie singeant les humains.
L’immersion dans l’intime de l’artiste est immédiate. Avant de rentrer dans le vif de l’exposition, un tour dans l’atelier d’Antoine Bourdelle s’impose. Le lieu est propice à la rêverie. Un peu de verdure, une pièce immense, ultra lumineuse, des ébauches par ci, des plâtres par là, des bronzes, du marbre sculpté, tout est fait pour donner l’impression que l’artiste va entrer par une porte dérobée et se mettre au travail. L’atmosphère un peu surannée du lieu charme et donne envie de découvrir ce lieu étonnant caché derrière la gare Montparnasse-Bienvenue.
Puis derrière une porte, après une galerie consacrée aux œuvres du sculpteur, un espace contemporain où le gris des murs et du sol contraste avec la chaleur du bois, accueille les expositions temporaires. C’est là que se poursuit la visite dans l’univers secret des ateliers d’artistes. La scénographie, assez didactique et chronologique, invite toutefois aux voyages dans l’imaginaire. Si ces statues articulées ne prennent point vie, elles s’intègrent parfaitement dans les peintures de Gainsborough, Courbet ou Chirico, ou dans les photos de Man Ray ou Bellmer.
Rapidement, la magie du lieu opère. Intriguer par ces personnages fictifs, on se laisse aller à la découverte de leur histoire qu’ils soient mannequins de vitrine ou substitut du vivant, de petite taille ou grandeur nature. Outils indispensables à la création, ils font partie intégrante, depuis le XVe siècle, des différents objets qui composent l’atelier d’artistes. Au fil du temps, les techniques ayant évolué, ces accessoires se sont perfectionnés. Plus souples, plus légers, plus réalistes, ils s’approchent au plus prés du modèle vivant. Invisibles dans les œuvres jusqu’au XIXe siècle, ils vont, grâce au courant réaliste, faire une entrée fracassante dans le monde de l’art et devenir des sujets même de la peinture notamment dans les représentations des ateliers d’artiste comme dans le Paysan dans l’atelier d’Heinrich von Rustige.
Devenus des objets de merchandising qui s’exposent dans les vitrines des magasins, les mannequins se transforment sous l’œil satirique et fétichiste des surréalistes en œuvres à part entière. De Man Ray à Dali, tous s’en amusent. Après le départ de sa maîtresse adorée, Kokoschka se fera faire une poupée grandeur nature de substitution. La promenant partout, la faisant habiller par une modiste, il fera scandale…
Cette exposition décalée lève ainsi le voile sur la relation entre l’artiste et son modèle … passionnant.
Musée Bourdelle
18, rue Antoine Bourdelle
75015 Paris
Mannequin d’artiste, Mannequin fétiche
jusqu’au 12 juillet 2015
Les Commissaires de l’exposition : Jane Munro, conservateur des peintures et des dessins au Fitzwilliam Museum de Cambridge, commissaire invitée, Amélie Simier ; conservateur en chef du Patrimoine, directrice des musées Bourdelle et Zadkine ; Jérôme Godeau, musée Bourdelle