Trois chorégraphes, trois styles, trois manières d’aborder la danse contemporaine, unis dans le désir simple et ambitieux de réveiller les sens et décloisonner l’univers du ballet. Chacun, de sa patte, offre sa propre vision du monde. : sensuelle et charnelle chez le surdoué Sidi Larbi Cherkaoui, clinique et humoristique chez le tout jeune Roy Assaf, aérienne, humaine et profondément touchante chez le toujours talentueux Benjamin Millepied. Bouleversant !…
L’argument : Pour la troisième saison consécutive, Benjamin Millepied revient au Théâtre du Châtelet avec son collectif de créateurs : un collectif qui bouleverse notre perception de tout ce que la danse peut représenter aujourd’hui. Créé en 2011 par le nouveau directeur-chorégraphe du Ballet de l’Opéra de Paris, le L.A. Dance Project est plus qu’une compagnie de danse. C’est un véritable collectif de créateurs qui cherchent à présenter la danse dans toutes ses formes.
La critique : La découverte d’un nouveau ballet, d’une création ou, tout simplement, du travail d’un chorégraphe issu d’une autre culture, d’un autre pays, est toujours un moment particulier, singulier, intime. En fondant, L.A. Dance Project, Benjamin Millepied souhaitait mettre en avant un collectif d’artistes, de danseurs capables de repousser les frontières de la danse contemporaine et d’offrir un spectacle vivant qui élargit le champ des possibles.
Pour cette troisième édition, le fringant directeur-chorégraphe du Ballet de l’Opéra de Paris s’est adjoint les services de Sidi Larbi Cherkaoui, le confirmé, et de Roy Assaf, le novice. Les trois artistes signent des ballets fort différents, assez épurés, puissants et à la symbolique profonde.
Avec Harbor Me, le surdoué belge de la danse, Sidi Larbi Cherkaoui, nous invite à un voyage charnel, une quête sensuelle vers l’autre, vers un point d’ancrage. Sur scène, un trio masculin (les sémillants Aaron Carr, Charlie Hodges et Morgan Lugo) s’attire, s’éloigne, se repousse et se mêle. Les gestes sont étirés, précis et délicats, les mouvements fluides, harmonieux et voluptueux. Avec virtuosité, l’artiste joue avec nos sens et nos émotions, les échauffe. Le tableau est d’une beauté rare, touchante, époustouflante. Difficile de s’en détacher, tant on aimerait qu’il ne finisse jamais. On sort de cette première partie troublé, étourdi.
Après une petite pause, c’est un autre univers qui nous attend, plus mécanique, plus tranché, plus caustique. C’est celui de l’Israélien Roy Assaf. Dans son II Acts for the Blind, il s’attaque au rêve américain. Il le bouscule. Avec beaucoup d’humour et de fantaisie, il transgresse les codes. Sur scène, huit danseurs exaltés s’agitent, se meuvent, avec des gestes saccadés. Leurs costumes couleur chair renforcent l’effet robotisé de ce ballet écrit en deux parties qui se font écho. Un premier tableau esquisse des mouvements, différentes histoires, ponctuées d’arrêts sur images. Le deuxième tableau reprend les mêmes gestuelles, les corps se cachent sous des habits, un narrateur décrypte les scènes, les explique. Le ton est léger, ludique. Les danseurs aux airs humanoïdes semblent emportés dans des danses folles, frénétiques. En décomposant les mouvements, les scènes, le chorégraphe offre au public sa propre vision du monde moderne et égratigne nos sociétés en manque d’humanité.
Enfin, Benjamin Millepied clôt le spectacle. Sur une musique de Philipp Glass, il présente le deuxième volet de sa trilogie Gems, intitulé Hearts and Arrows. Nos huit danseurs, dans des costumes très géométriques, prennent pleine possession de l’espace. Pas de deux, pas de trois, s’intercalent avec des mouvements plus collectifs, plus choraux. Les corps se retiennent, se repoussent. Les couples se forment, et se défont dans cet univers presque aseptisé, inachevé. le rythme est tour à tour vif, effréné, puis plus lent. Le temps s’allonge. Les mouvements sont aériens, puis plus cinétiques, parfois mécaniques. En jouant sur les ruptures, les gestes arrêtés, les corps stoppés qui alternent avec les courses fougueuses, le chorégraphe montre une nouvelle fois l’étendue de son talent. Loin des codes, il se veut libre, vivant. C’est réussi. Vivifiant… Brillant…
Théâtre du Châtelet
L.A. Dance Project 3 de Benjamin Millepied
Avec Stephanie Amurao, Anthony Bryant, Aaron Carr, Julia Eichten, Charlie Hodges, Morgan Lugo, Nathan Makolandra, Rachelle Rafailedes,
Harbor Me
Chorégraphie: Sidi Larbi Cherkaoui
Assistants: Jason Kittelberger et Nemo Levy Oeghoede
Musique: Woojae Park
« Abyss » / « Be A Drift » / « Morphosis » Album: Park Woojae Geomungo¡±Extention¡±
Dr. Ys aye M. Barnwell
« Would You Harbor Me », extrait (1994)
Décors: Sander Loonen et Fabiana Piccioli
Costumes: Sidi Larbi Cherkaoui et Fabiana Piccioli
Assistante: Amy Rousselot
Réalisation: Isabelle Comte
Lumières: Fabiana Piccioli
II Acts for the Blind
Chorégraphie: Roy Assaf
Assistant au chorégraphe: Jeremie Bernheim
Livret: L.A. Dance Project dancers
Narrateur: Charlie Hodges
Musique: Svanur by Rökkurró, (c) 2010. Extrait de l’album Í Annan Heim.
Music editing: Reut Yehudai / Jeremie Bernheim
Lumières: Omer Sheizaf
Costumes: Janie Taylor
Durée: 20 min
Hearts and Arrows
Chorégraphie: Benjamin Millepied
Musique: Philip Glass, String Quartet No. 3 (Mishima)
1. 1957 – Award Montage
2. November 25 – Ichigaya
3. 1934 – Grandmother And Kimitake
4. 1962 – Body Building
5. Blood Oath
6. Mishima/Closing
© 1985, Dunvagen Music Publishers Inc. (ASCAP). Avec permission. Interprété par Kronos Quartet – Nonesuch Records.
Enregistré en 1993. Produit par Judith Sherman, Kurt Munkacsi et Philip Glass.
Commande de Van Cleef & Arpels
Lumières: Roderick Murray
Costumes: Janie Taylor
Conception visuelle: Liam Gillick