Strass, paillettes, fameuses marinières, célébrissimes jupes pour homme et cultissimes seins coniques, vous invitent, au Grand Palais, dans le boudoir de l’enfant terrible de la mode. N’hésitez pas, foncez !… Ce chantre du métissage, iconoclaste et anticonformiste, va vous fasciner, tout autant que l’audacieuse exposition qui consacre magistralement et magnifiquement son œuvre… En un mot, c’est fantastique !
L’argument : l’exposition présente des pièces inédites du créateur (haute-couture et prêt-à-porter), créées entre 1970 et 2013. Elles sont accompagnées de croquis, archives, costumes de scène, extraits de films, de défilés, de concerts, de vidéoclips, de spectacles de danse et d’émissions télévisées.
Cette exposition est réalisée par le Musée des Beaux-Arts de Montréal avec la Réunion des musées nationaux – Grand Palais, et la collaboration de la Maison Jean-Paul Gaultier, à Paris.
La critique : Dans cette rétrospective consacrée à Jean-Paul Gaultier, les premiers pas se font sous l’œil affable et facétieux d’une petite peluche, légèrement déplumée, râpée et élimée. C’est Nana, l’ours fétiche du créateur et son premier mannequin. Elle porte, d’ailleurs, les premiers stigmates créatifs de l’artiste : deux seins coniques en papier. Muse et protectrice, elle veille depuis plus de 50 ans sur l’enfant terrible de la mode.
Après une première salle à la scénographie fort classique, consacrée à l’enfance et au début du petit Jean-Paul dans le milieu de la mode – Micheline Presle dans Falbalas de Jacques Becker, premier émoi créatif ; Pierre Cardin, Jacques Esterel et Jean Patou, premiers employeurs ; premiers dessins sous le regard amoureux de Francis Menuge, emporté depuis par le sida ; et photos de famille en noir et blanc – , on entre dans le vif du sujet, l’univers fécond, iconoclaste et inventif de Jean-Paul Gaultier. Les premières marinières, véritable signature de l’artiste, font leur apparition. Loin d’être figés, les mannequins qui les portent, sourient, s’animent, plissent des yeux. L’un d’entre eux se met même à parler. Il a les traits du créateur et ses intonations, espiègles et joyeuses. Après une courte dissertation sur son travail et ses inspirations, il nous souhaite une bonne exposition et nous encourage d’un baiser à continuer la visite dans son univers intime et imaginatif.
Grâce au « mapping », ingénieux procédé dû à Denis Marleau et Stéphanie Jasmin, tous deux membres de la compagnie canadienne UBU, sous nos yeux étonnés et ébahis, les mannequins prennent vie. C’est réellement magique et envoûtant. Séduit par les créations délirantes et le talent incontestable de l’enfant terrible, il n’en faut pas plus pour être définitivement conquis par cette rétrospective qui tient plus de l’installation contemporaine et du spectacle que d’une exposition stricto sensu.
Initiée en 2009 par le musée des Beaux-Arts de Montréal, cette étonnante scénographie qui met en valeur les œuvres de Jean-Paul Gaultier, a évolué et mûri au cours des 9 étapes qui ont précédé son installation printanière et estivale sur les rives de la Seine. En hommage à la ville qui l’a vu grandir en tant qu’homme et en tant de créateur, l’artiste nous convie, en compagnie de certaines de ses muses et amies – Carine Roitfeld, Nana Moutskouri, Dita Von Teese, Tonie Marshall et Conchita Wurst – , à un défilé intitulé « Les parisiennes », dont le nom des créations est décliné par la voix enchanteresse de Catherine Deneuve.
Entre rêve et réalité, on est définitivement embarqué dans un voyage poétique et onirique guidé par l’astre Gaultier. Avec beaucoup de maestria, un parfait sens du spectacle et une créativité délirante, la scénographie nous entraîne dans le sillage de l’artiste.
Au-delà de ses collections Haute-couture, on (re)découvre les tenues imaginées par l’enfant terrible de la mode pour accompagner ses ami (e)s artistes sur scène ou sur grand écran. Simples grandioses ou extravagantes, elles sont toutes là : du corset de Madonna aux tenues pailletées de Mylène Farmer ou de Kylie Minogue, en passant par les costumes inventés pour le ballet Blanche-Neige d’Angelin Prejlocaj, et la fameuse robe évoquant le corps d’une femme nue portée par Gael Garcia Bernal dans La Mauvaise éducation de Pedro Almodovar.
Dans ce véritable fatras à la fois troublant irrévérencieux et terriblement beau, Jean-Paul Gaultier mixe avec brio les matières – soie sequins, laine ou organza – les inspirations artistiques – Frida Kahlo, les cocottes du 19e siècle –, religieuses – les rabbins et les madones- et ethniques – Afrique et Russie. Si nous sommes séduits par autant de talent et de magie, c’est parce que Gaultier est avant tout un créateur humain et tolérant qui fait fi des stéréotypes et des conventions.
Cette exposition étonnante est à son image, elle est plurielle. C’est une immersion dans l’univers créatif de l’artiste, mais aussi et surtout dans son intimité. C’est tout simplement captivant….
Jean-Paul Gaultier
Grand-Palais
Galeries nationales
place Clemenceau, Paris 8ème
jusqu’au 03 Août 2015
Dimanche et lundi de 10h à 20h
Du mercredi au samedi de 10hà 22h
Fermé le mardi
Fermé le 1er mai