Bloody Mary, incarnée par une Cristiana Reali survoltée, investit la Pépinière Théâtre dans une mise en scène moderne et plutôt vitaminée qui a pourtant bien du mal à rafraîchir un texte ampoulé et mièvre de Victor Hugo… La pesanteur de la prose est le principal handicap de cette Mary Tudor, dont la distribution est pourtant un « presque » sans faute.
L’argument : Douze acteurs sur scène, dix hommes, deux femmes en tenue de deuil dans un tombeau, voici l’amour tel qu’il est dépeint par Hugo. Dans cet univers assurément masculin, une reine, Marie Tudor, entrée dans l’Histoire sous le sobriquet de Bloody Mary, se débat, tente de rester debout, lutte pour avoir le droit d’aimer un séduisant aventurier, Fabiano Fabiani, en dépit des admonestations des nobles de la Cour, et de son peuple. Dès lors, Simon Renard, légat de Charles Quint, roi d’Espagne et père du futur époux, considère inévitable la chute de Fabiano, ce favori honni de tous.
La critique : adapter les pièces de Victor Hugo semble être de nouveau à la mode. Après Lucrèce Borgia, remis au goût du jour l’année dernière dans deux productions, l’une, au Français, avec dans le rôle titre l’épatant et formidable Guillaume Galienne, et l’autre, avec pour la première fois sur les planches, Béatrice Dalle, dans une mise en scène contemporaine et féérique dans les jardins du Château de Grignan, c’est au tour de Marie Tudor d’être revisitée à la Pépinière Théâtre.
Aux commandes de cette équipée tragico-comique signée Victor Hugo, Philippe Calvario, jeune quarantenaire qui avait notamment dirigé Dita von Teese lors de son dernier show parisien. Largement inspirée de la mise en scène moderne, tendance ballet, de la Lucrèce Borgia de David Bobee, cette Marie Tudor – incarnée par Cristiana Reali, enflammée et féline, véritable lionne toute crinière brune dehors – se complait dans un univers Pop Rock où le décor minimaliste se transforme sans cesse grâce à des panneaux transparents permettant de maximiser la scène somme toute étroite de la Pépinière Théâtre. Jouant avec l’espace, les comédiens envahissent les lieux, donnant aux spectateurs l’impression d’être partie intégrante de ce drame amoureux au cœur du pouvoir britannique. Pour peaufiner cette ambiance sombre, romanesque et « feuilletonesque », un charmant guitariste aux muscles saillants, visage encapuchonné, Thomas Gendronneau, égrène des notes aux accents de variétés anglaises, influencées par le John & Mary de Brian Ferry.
Tout est réuni pour donner une vision neuve de ce drame, surfant sur un des moments les plus sombres de l’histoire de la Grande-Bretagne. Mais malheureusement, le texte du maître reprend vite ses droits et plombe les efforts de Philippe Calvario qui n’arrive pas à s’affranchir du romantisme suranné, imprimé dans la prose hugolienne, particulièrement machiste – la femme est par essence hystérique -, et italianophobe – le transalpin est forcément fourbe.
Ne boudons pas notre plaisir : si la pièce a des faiblesses et résiste à la modernité, les comédiens, au diapason de leur metteur en scène (qui joue aussi l’un des personnages clés de ce drame), se dépensent sans compter pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Jean-Philippe Ricci, policier corse dans Mafiosa, livre un Fabiano Fabiani aussi sournois, que charmant, et aussi vil que lâche. Régis Laroche campe un Simon Renard machiavélique et dur comme le diamant avec beaucoup de finesse et de subtilité. Seul bémol, dans ce panel de talents, la jeune Jade Fortineau a bien du mal à dépasser la mièvrerie de sa partition.
Entre rires, larmes, et quelques bâillements, cette tragi-comédie finit par séduire sur le fil, sauvée par le charme de cette troupe à dominante masculine, et par cette émulation de talents.
Marie Tudor
Pièce en trois actes de Victor Hugo
Mise en scène de Philippe Calvario
Avec Cristiana Reali, Jean-Philippe Ricci, Jean-Claude Jay, Philippe Calvario ou Benjamin Guillet, Régis Laroche ou Pierre-Alain Leleu, Jade Fortineau, Anatole de Bodinat, Stanislas Perrin, Pierre Estorges, Robin Goupil, Valentin Fruitier et Thomas Gendronneau
A partir du 30 janvier 2015
Du mardi au samedi à 21h Matinées les samedis à 16h
Tarifs de 15€ à 44€
La Pépinière Théâtre
7 Rue Louis le Grand
75002 Paris