Le temps d’une exposition, Camille Claudel s’invite à La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix et illumine de la délicatesse de ses œuvres ce lieu étonnant et extraordinaire.
Depuis sa mort en 1943, c’est la quatrième exposition qui lui est consacrée (la dernière a eu lieu au Musée Rodin en 2008) et la seule et unique qui aura lieu sur le sol français pour cette fête. En effet, le musée Rodin est fermé pour travaux et le futur musée Camille-Claudel de Nogent-sur-Seine, dans l’Aube, n’a pas encore ouvert officiellement. Pour mieux cerner cette artiste hors du commun qui détruisit la plupart de ses œuvres, il ne reste que quelques jours pour vous rendre à Roubaix et lever le voile.
De Camille, le grand public n’a gardé que l’image d’une jeune femme dont la vie a été brisée par sa rupture avec Rodin et dont la famille s’est débarrassée dans un asile psychiatrique à l’aube de ces cinquante ans. Ce résumé, très succinct, est loin de définir son parcours artistique et surtout sa personnalité. Avant tout c’est une femme libre, qui a décidé de vivre pour son art et par son art.
Qui se cache vraiment derrière cette femme qui vécut les trente dernières années de sa longue vie enfermée ? Une artiste, une amoureuse, une passionnée ou une illuminée…Pour un début de réponse quoi de mieux que de découvrir ses œuvres. Qu’elles soient sur papier – quelques magnifiques dessins faits de sa main émaillent le début de l’exposition, en glaise -travail préparatoire pour ses sculptures-, en marbre, en bronze ou en onyx, toutes sont à son image tout en finesse et en vigueur. Cette puissance artistique elle la doit à l’alchimie qui s’est crée entre elle l’élève-muse et Rodin le maître. Elle a apporté sa force, il lui a offert la grâce. C’est de cette union amoureuse et artistique qu’est née Claudel, la sculpteuse.
Son point fort : les portraits. De la Petite Châtelaine – acquis en 1996 par la Piscine suite à une souscription publique, et qui en est l’un des joyaux-, au buste de Léon Lhermite en passant par le visage émacié de la parkinsonienne ou celui tourmenté de Clotho, toutes ses œuvres témoignent de son art, de sa maîtrise et de son talent à donner vie à ses œuvres.
Artiste entière, à fleur de peau, toute de chair et de sang, elle a tout donné à ses deux passions son mentor et la sculpture. Si l’une lui a ouvert la voie, l’autre l’a rendue immortelle. Alors que l’Art Nouveau est le courant majeur de ce début de XXe siècle, Camille Claudel, au contact de la figure tutélaire de son amant, va s’intéresser à d’autres voies jouant sur la corde du sensible. Là où les artistes de son temps se sont attachés à jouer avec la symbolique, elle se concentre sur son ressenti. Elle tente d’exprimer ses sentiments les plus intimes dans les veines des marbres et dans la sensualité de la glaise. C’est ainsi qu’elle crée l’un de ses plus beaux chefs d’œuvre, l’âge mûr, en fondant dans le bronze la douleur de son échec amoureux… elle à genoux implorante, lui ramené dans le droit chemin de la vie par la raison sa compagne de tout temps.
Si elle reste à l’orée du modernisme, sa quête de la vérité et de sa représentation fait d’elle une artiste pleinement ancrée dans son époque. En mêlant sa propre histoire et ses propres émotions à son expression artistique, elle préfigure une nouvelle ère de modernité qui va ouvrir la voie à d’autres grandes artistes telles que Frida Kahlo et Louise Bourgeois. C’est en tout cas ce qu’ont voulu montrer Anne Rivière et Bruno Gaudichon, les deux commissaires de l’exposition.
Foncez à Roubaix découvrir cette magnifique Piscine Art déco, ses œuvres, et plongez dans l’univers sensible, violent et tourmenté de Camille… une artiste à part entière.
Olivier Frégaville-Gratian-Gratian d’Amore
Roubaix, La Piscine – Musée d’Art André Diligent, du 8 novembre au 8 février 2015.
Crédit photos © OFGDA