La mise en mouvement des tableaux d’Edward Hopper, reconstitués avec une exactitude quasi parfaite, est certes esthétique mais sans vie…
Le synopsis : Un hommage à la peinture d’Edward Hopper et à la vie quotidienne américaine des années 1930 aux années 1960, avec la mise en scène de treize de ses tableaux prenant vie et restituant le contexte social, politique et culturel de l’époque à travers le regard du personnage féminin, Shirley.
Personnage directement inspiré de Joséphine son épouse, un modèle unique et froid. La vision d’une réalité ordinaire, sans concession.
La critique : Donner vie à des peintures célèbres afin d’immerger le spectateur dans le monde d’un l’artiste a déjà donné lieu à des films esthétiques d’une rare intensité. C’est le cas de Frida de Julie Taymor, de La Jeune fille à la perle de Peter Webber ou du Klimt de Raoul Ruiz. Dans chacune des ces œuvres, chaque image évoquant la vie du peintre est directement inspirée d’un de ses tableaux. C’est une plongée étourdissante dans leur art. L’univers pictural permet de souligner le propos. A contrario, dans Shirley, un voyage dans la peinture d’Edward Hopper, les personnages principaux sont les œuvres de celui qui est considéré comme l’un des principaux représentants américains du courant naturiste. La vie de l’artiste et son courant de pensée ne sont qu’accessoire et permettent de mettre en avant la pureté des lignes et le minimalisme inhérents aux œuvres d’Hopper. Tous les tableaux qu’a choisi d’animer Gustav Deutsch, treize exactement, expriment avec force la nostalgie d’une Amérique passée. Ils représentent tous des scènes de la vie quotidienne d’américains de la classe moyenne des années 30 aux années 60.
En mettant en scène, une femme esseulée et mélancolique, inspiré de la propre femme de l’artiste, le metteur en scène tente de restituer ce qui fut et reste le succès d’Hopper : mettre en image le temps suspendu et l’intemporalité de la vie. Oui, ce long métrage est esthétiquement réussi. Sa principale force est de permettre de plonger dans le sens littéral du terme dans certaines des œuvres les plus connues de l’artiste américain. Malgré cela, le film reste plat et ennuyeux. La raison est simple. Elle est due à la substantifique moelle de l’œuvre de Hopper elle-même. Bien que très cinématographique, cette dernière est surtout une mise en image de la fixité. En partant de ce postulat, il semble bien difficile d’insuffler du mouvement à ses tableaux. Ainsi chaque séquence de ce film est une répétition sur un thème différent de la scène précédente. Au delà des monologues interminables de Shirley, emprunts d’une philosophie propice à l’endormissement, il ne se passe rien, strictement rien. Très vite l’intérêt pour l’artiste et pour son œuvre s’efface et laisse place à un ennui abyssal. Clairement, la patience et l’attention du spectateur sont soumises à très rude épreuve durant ce long métrage. Les 90 minutes qui donnent corps à cette fable minimaliste semblent s’étirer à l’infini au point de remettre en cause notre notion du temps et notre capacité à lutter contre les assauts répétés du sommeil.
En donnant une dimension cérébrale beaucoup trop forte à l’œuvre de l’artiste, ce film onirique finit par devenir véritablement soporifique… Dommage.
Réalisé par Gustav Deutsch
avec Stephanie Cumming, Christoph Bach et Florentin Groll
Sortie le 17 septembre 2014
durée 1h33