Nicolas Cazalé, l’âme forte d’un brun ténébreux.

Nicolas Cazalé, l’âme forte d’un brun ténébreux.

A l'occasion de la sortie de Mensch, Nicolas Cazale revient sur sa carrière.

A quelques semaines de la sortie du film Mensch, dont il est la tête d’affiche, Nicolas Cazalé nous raconte son parcours et nous entrouvre, un court instant, les portes de son jardin secret. Ce jeune trentenaire, timide et réservé, enchaîne les premiers rôles. Ses choix de films et la finesse ainsi que l’âpreté de son jeu font de lui un grand comédien. Partons à la découverte de ce diamant brut.

Affiche du film Mensch de Steve Soussa avec Nicolas Cazalé

Alors qu’il savoure quelques jours de repos dans le sud-ouest qui l’a vu naître, Nicolas Cazalé revient sur les origines de son désir d’être comédien. Loin des planches et pas du tout concerné par le monde des saltimbanques, le jeune béarnais découvre le théâtre grâce à une de ses amies, qui pratiquait cet art dans la salle polyvalente du village. Il aura fallu deux ans à cette jeune passionnée pour convaincre Nicolas de venir la voir. « Un jour j’y suis allé et j’ai eu le déclic quand j’ai vu tous ces gens réunis sur scène, des jeunes, des moins jeunes, des hommes, des femmes de tout horizon. Toutes ces personnes qui prenaient un énorme plaisir à travailler ensemble, où devrais-je dire à jouer ensemble. J’ai été particulièrement touché par cette émotion. J’ y ai été, j’ai vu et j’ai été vaincu. Du coup j’ai voulu faire ce métier, connaître cette intensité. »
En une soirée et pour notre plus grand plaisir, le destin du jeune homme bascule. Dans la foulée, Il monte à Paris. C’est comme une évidence. Il s’inscrit dans une école de comédiens, mais la magie n’est pas au rendez-vous. Il ne ressent pas la même passion. « Les personnes, qui m’entouraient, parlaient de casting, de métier, mais pas d’émotion. En tout cas pas de l’essence même du métier, ce qui m’avait donné envie de monter sur les planches. » Déçu, Nicolas Cazalé quitte l’école, et la France, pour un voyage à travers le monde.
Loin de tout, loin du Béarn, qu’il n’avait jamais vraiment quitté, le comédien en herbe part à la recherche de lui-même, de son identité. « Pendant ces quatre ans à l’étranger, j’ai découvert beaucoup de choses sur moi-même car j’étais véritablement animé du désir de me connaître. J’avais besoin de repousser mes limites, de me mettre en danger. Cela fait partie de mon caractère, de mon identité. A mon retour, je me sentais plus fort, plus patient. Le désir d’être acteur était toujours aussi présent. J’étais prêt à en découdre. »
Il a fallu peu de temps, au monde audiovisuel pour découvrir que derrière le physique avantageux de Nicolas Cazalé, il y avait de la graine de grand comédien. Quelques rôles dans des séries tel que Louis Page, et une apparition remarquée au côté d’Alain Delon dans Fabio Montale, le propulsent sur grand écran. « Mon premier long métrage est Les chemins de l’oued de Gaël Morel. Notre rencontre, grâce à un ami commun, fut décisive. J’aimais déjà son cinéma et la façon qu’il a de raconter des histoires. En m’offrant le premier rôle, il m’a ouvert les portes du 7e art. Ce fut une première expérience très riche, qui se solda par une deuxième collaboration. » En effet, dans la comédie dramatique Le clan Nicolas Cazalé jouera l’un des trois frères.
Son physique de beau ténébreux lui offre le plus souvent des rôles de gitans, ou de musulmans. « Au début ce fut un handicap, mais petit à petit les choses se sont estompées. Les gens ont une vision moins stéréotypée des choses. Je viens d’ailleurs de terminer un long métrage, Stretch de Charles de Meaux, où je joue un jockey tout droit sorti de sa Normandie natale. »
Souvent amené à interpréter des personnages dont l’identité est forgée par la religion, que ce soit dans Saint Jacques la Mecque, où il campe un musulman se faisant passer pour un catholique afin de conquérir sa belle, ou dans Mensch, où il incarne un séfarade trentenaire dont la famille est très présente, Nicolas Cazalé refuse les étiquettes. « On ne peut pas faire comme si la religion n’existait pas. Elle régit nos vies. Pour moi, elle est ailleurs, ni dans les églises, ni dans les synagogues, ni dans les mosquées, mais plutôt dans les rencontres, dans les hommes. »
Une carrière qui préfère la qualité à la quantité, le jeune comédien se montrant très sélectif dans le choix de ses rôles. 9 films et quasiment que des premiers rôles. Son moteur, l’émotion. « Je ne fonctionne qu’au coup de cœur. J’ai besoin de sentir quelque chose de fort pour me motiver. Cela passe par la lecture d’un scénario, la rencontre avec un metteur en scène ou un défi à relever. J’ai besoin quand je me lève le matin d’avoir la boule au ventre, de ne pas être sûr de pouvoir ou savoir faire ce que j’ai à accomplir dans la journée. » Ce véritable artiste, peintre et sculpteur à ces heures perdues, a besoin de raconter des histoires. Il se prépare donc à passer derrière la caméra pour un court métrage dont le personnage principal sera interprété par Daniel Duval.
Dés le 9 décembre, Nicolas Cazalé sera dans les salles obscures. Il y incarne Sam Hazak, casseur de coffre hors pair, qui essaye de devenir un Mensch « homme bien » en Yiddish. Tiraillé entre l’argent facile et une vie rangée pour s’occuper de son fils de 4 ans, le jeune homme, pas à pas, mais inexorablement, se dirige vers l’enfer dans un monde qui lui échappe. « Je connaissais Steve Luisa, le réalisateur. On avait déjà travaillé ensemble sur un téléfilm. Son approche du métier et son honnêteté m’ont séduit. Il m’a parlé du projet. Je sentais que le scénario allait évoluer, que l’on pourrait construire ensemble le personnage qui m’est apparu plus mature et plus contenu dans l’expression de ses émotions que tous ceux que j’avais interprétés jusque là. Un vrai challenge, donc. Tout cela m’a convaincu. Sa mise en scène sobre joue sur les silences. Toute la complexité de mon rôle est de transmettre les émotions de l’intérieur et de les faire néanmoins apparaître clairement à l’écran. L’expérience a été particulièrement intense. » Entouré d’une belle brochette de comédiens, Nicolas Cazalé donne la réplique à Myriam Boyer, Maurice Bénichou et Sami Frey, dans le rôle du patriarche de la famille Hazak. « Je ne choisis pas mes films en fonction de mes partenaires, mais j’étais très heureux d’être le petit fils de Sami Frey à l’écran. J’ai beaucoup d’admiration pour lui. C’est quelqu’un de humble qui parle peu. Je suis un peu comme ça. Quand on se retrouve ensemble dans une scène clé du film le courant qui s’installe entre nous produit quelque chose de fort, un climat d’une intensité particulière. J’aime ce que cela donne à l’écran. »
Plus qu’un polar, Mensch s’éloigne des clichés du genre pour proposer une galerie de portraits saisissants. L’analyse psychologique des personnages est subtile et la caméra semble parfois plonger jusque dans les tréfonds de l’âme humaine.
Nous ne saurions que trop vous conseiller ce film admirablement servi par la prestation de comédiens hors pair. L’occasion d’apprécier le jeu de Nicolas Cazalé, subtil mélange de puissance et de finesse. Gageons que cette étoile montante du cinéma français trouvera avec ce film les moyens de s’inscrire dignement dans la lignée des Gabin, Ventura, Delon ou Montand qui ont fait la gloire du polar à la française.

Propos recueillis par Olivier Fregaville-Gratian d’amore

Interview réalisée par téléphone en 2009 à l’occasion de la sortie du film Mensch de Steve Soussa.

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