A la Tempête, Julien Villa invite à une plongée vertigineuse dans l’univers paranoïaque de l’auteur de Blade Runner. Entremêlant habilement l’œuvre de Philip K. Dick, ses névroses et ses vies parallèles, le jeune auteur se glisse dans la peau de son double barré et signe un spectacle savoureux et enivrant.
En ce dimanche pluvieux et gris de septembre, direction la Cartoucherie, au Théâtre de l’Aquarium, Julien Villa, un sacré garnement de la bande de Samuel Achache, présente une œuvre délirante et foutraque inspiré de la vie singulière de l’un des maîtres de la science-fiction américaine. Auteur de nombreux romans à succès tels Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? ou Le Maître du Haut Château, dont certains adaptés au cinéma sont devenus des blockbusters – Minorty report, Blade Runner ou Total recall, Philip K. Dick est un être particulièrement névrosé et paranoïaque. Entre cauchemars et réalités sous pilules magiques, il vit dans des mondes parallèles, qu’explore le jeune comédien avec fièvre.
Illusions troublées
A peine éclairé d’une lampe électrique, le visage de Philip K., alias Julien Villa, sort de l’ombre. Penché sur sa machine à écrire, l’homme s’attèle à la réécriture d’un de ses romans. On est dans les années 1970, à Monterey. Perdu dans ses pensées, dans ses psychoses, il est persuadé d’être l’objet d’une surveillance accrue du FBI et de Nixon. Il soupçonne même le président américain de lui avoir dérobé sa dernière œuvre. Prenant pilule sur pilule, hanté par le fantôme de sa sœur jumelle Jane, morte bébé de dénutrition, Philip K. erre dans un monde parallèle où les cyborgs seraient plus humains que les hommes. Mère castratrice (démente Noémie Zurletti), voisins sous acide (épatant Nicolas Giret-Famin, détonant Laurent Barbot), clone plus vrai que nature de la Rachel de Blade Runner (extraordinaire Lou Wenzel), conscience amicale (saisissant Benoît Carré) ou fan survolté (étonnant Vincent Arot), tous, qu’ils soient réels ou fantasmés, viennent à leur manière apaiser ou troubler l’âme de l’écrivain, sans jamais lui offrir de répit.
Inspirations et bonnes fortunes
Depuis un peu plus deux ans, Julien Villa et son compère Vincent Arot, se passionnent pour l’histoire de cet auteur de science-fiction qui a toujours vécu au seuil de la pauvreté, malgré les nombreux prix de littérature venus auréoler sa carrière. Ils s’attèlent non à en faire un portrait fidèle mais plutôt à esquisser une évocation de son œuvre, de sa vie. Ayant séjourné deux mois aux États-Unis, grâce à une bourse de l’Institut français, ils réinventent l’histoire de Philip K., l’adaptent et signent, se nourrissant du travail d’improvisation des comédiens, un spectacle foutraque qui plonge au cœur même de ses pensées, de ses inspirations.
Une mise en scène folle
Recréant l’ambiance si particulière des romans de Philip K. Dick, Julien villa réussit l’impensable donner vie sur scène aux nombreux personnages chers à l’auteur américain. Fresque burlesque, mise en abyme de l’œuvre face à son auteur, galerie clownesque de personnages, le comédien, auteur et metteur en scène s’amuse et entraîne sa troupe dans un tourbillon démentiel où illusion et réalité se confondent pour mieux attraper le spectateur, l’emmener à la frontière de mondes parallèles.
Étrangeté théâtrale autant qu’ovni scénique, Philip K. ou la fille aux cheveux noirs est une folie des plus délectables, un petit bijou d’absurdité à savourer avec un malicieux plaisir.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Philip K. ou la fille aux cheveux noirs d’après Philip K. Dick
pièce écrite au plateau à partir de textes de Julien Villa
Théâtre de la Tempête hors les murs
Théâtre de l’Aquarium
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Jusqu’au 1er octobre 2020
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h30
Durée : 1h30
mise en scène de Julien Villa asssité de Samuel Vittoz
avec Vincent Arot, Laurent Barbot, Benoît Carré, Nicolas Giret-Famin, Julien Villa, Lou Wenzel, Noémie Zurletti
collaboration artistique de Vincent Arot
scénographie, vidéo de Sarah Jacquemot-Fiumani
lumières de Gaëtan Veber
composition musicale de Clémence Jeanguillaume
Crédit Photos © Ph. Lebruman